En coulisse

Inégalités salariales : les filles reçoivent-elles moins d’argent de poche ?

Michael Restin
3/9/2025
Traduction: Sophie Boissonneau

En ce qui concerne l’argent de poche, le sexe de l’enfant ne devrait pas jouer de rôle. Cependant, de nombreux sondages semblent pointer des inégalités. Qu’en est-il vraiment ? Une quête entre vérité statistique et médiatique.

De nombreux enfants reçoivent leurs premiers deniers au moment de la première rentrée à l’école. Le montant perçu dépend de plusieurs facteurs comme la philosophie d’éducation, les moyens de la famille et même la comparaison avec l’environnement social. Le sexe aussi, c’est du moins ce que semblent indiquer plusieurs études. Toutefois, la manière dont les médias abordent le thème est un sujet à part entière.

Un sujet qui fait les gros titres

Le sujet fait les gros titres dans tous les pays depuis plusieurs décennies. Notamment en Angleterre, où les garçons recevraient 20 % de plus (en anglais), en Autriche où ils recevraient 20 % de plus (en allemand), en France (près de 14 % de plus) et en Nouvelle-Zélande (13 % de plus, en anglais). La liste n’est pas exhaustive, des chiffres similaires ont d’ailleurs circulé pour l’Allemagne, jusqu’à ce que l’on apprenne en 2023 que les montants perçus par les filles avaient augmenté.

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Nous trouverions-nous à un moment stratégique ? L’Allemagne et la Suisse seraient-elles pionnières en matière d’égalité ? En effet, en Suisse, l’étude sur l’argent de poche menée par Sotomo et publiée par le Credit Suisse constatait déjà en 2017 que les filles ne recevaient pas moins que les garçons.

Les médias jouent le jeu des banques

Derrière les sondages, on trouve souvent des banques, des assurances ou des maisons d’édition, qui cherchent à la fois un sondage représentatif, mais aussi une histoire accrocheuse. Si tout va bien dans le meilleur des mondes, qu’a-t-on à raconter ? Ainsi, la moindre différence statistiquement significative (qu’elle soit ou non pertinente dans la pratique) est donc exploitée afin de mettre l’accent sur des résultats apparemment explosifs. Le tout grossièrement résumé sous forme de communiqués de presse dénués de toute nuance.

Der Spiegel écrivait en 2016 (en allemand) que ce qui compte finalement c’est ce qui n’est pas écrit sur le sujet. L’article faisait notamment appel à un professeur de statistiques et un professeur de stochastique pour expliquer la tendance des sondages douteux à plus faire parler d’eux que les études sérieuses. En effet, les médias sont davantage intéressés par les sondages dont ils peuvent tirer un titre accrocheur et jouent ainsi le jeu des banques.

Le doute subsiste

Le côté trompeur des titres accrocheurs n’est bien sûr pas une preuve de la répartition équitable de l’argent de poche. Une étude de l’université de St Andrews publiée en 2024 (en anglais) ne se réfère, par exemple, pas à des sondages, mais à des données bancaires concrètes d’une application britannique utilisée par les parents pour verser de l’argent de poche et d’autres allocations à leurs enfants.

Les comptes de plus d’un million d’enfants montrent que jusqu’à l’âge de dix ans, les filles reçoivent environ dix pour cent de moins que les garçons. Elles reçoivent aussi des sommes moindres en cadeau et sont moins bien rémunérées pour les tâches ménagères, que l’application permet aussi de rémunérer. Et ce, alors même que près de 75 % des virements sont effectués par les mères.

Un début plus précoce pour les garçons

Les études suisses sur l’argent de poche semblent également indiquer que les garçons s’en sortent un peu mieux, en particulier durant les premières années de scolarité. Selon la dernière étude datant de mai 2025 (en allemand), les enfants perçoivent en premier lieu des montants égalitaires, le plus souvent calculés selon la formule suivante : un franc par semaine et par année scolaire. À cinq ou six ans, iels reçoivent alors en moyenne cinq francs suisses par mois puis en moyenne huit francs à huit ans.

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C’est ensuite que l’écart se creuse : dans la suite de leur carrière à l’école primaire, les garçons reçoivent en moyenne quatre francs de plus par mois, selon les résultats de l’enquête représentative pour laquelle 1429 parents ont été interrogés en Suisse alémanique et en Suisse romande. L’étude indique en outre que les questions financières et d’argent sont plus souvent abordées avec les garçons.

On ne sait malheureusement pas qui met le sujet sur la table. L’étude précédente datant de 2017 suggérait toutefois qu’au primaire, les jeunes garçons se montraient plus intraitables sur le sujet. Il semble donc que les petits frères, en particulier, commencent très tôt à toucher de l’argent de poche, tandis que les petites sœurs patientent. L’étude suppose que les jeunes garçons insistent pour avoir, eux aussi, de l’argent de poche dès qu’un frère ou une sœur plus âgé(e) en reçoit, alors que les filles auraient plus tendance à attendre d’avoir le même âge.

Les filles se rattrapent plus tard

Dans les deux études, suisse et britannique, on constate ensuite un renversement de la balance. Les filles rattrapent non seulement leur retard, mais elles touchent même un peu plus d’argent de poche plus longtemps. En Suisse, cela peut en partie s’expliquer par le taux plus élevé de scolarisation dans les lycées, qui implique un soutien financier plus long. De manière plus générale, on constate également que les habitudes de consommation des garçons et des filles évoluent avec l’âge.

La répartition des sommes perçues évolue au fil des âges.
La répartition des sommes perçues évolue au fil des âges.
Source : Étude suisse sur l’argent de poche, mai 2025

Selon cette étude, les garçons ont tendance à se tourner vers des jouets plus chers lorsqu’ils sont plus jeunes, tandis que les filles se tournent vers des produits plus coûteux à l’adolescence. À partir de 11 ans environ, celles-ci commenceraient à dépenser plus d’argent que les garçons du même âge, peut-on lire dans l’étude sur les données financières.

Elles deviennent peut-être aussi plus douées pour soutirer de l’argent à leurs parents. En effet, le constat que les montants accordés semblent s’orienter sur les souhaits et les besoins indique un manque de fermeté pédagogique de la part des adultes. Et ce, bien que dans la dernière étude sur l’argent de poche, les parents s’inquiètent principalement du fait que leurs enfants pourraient dépenser trop dans des choses futiles.

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Dur, dur d’être juste

Finalement, c’est une question de ressenti. Il est difficile de croire que les filles sont délibérément désavantagées en matière d’argent de poche. En revanche, je veux bien croire que les parents se laissent influencer plus ou moins subtilement et qu’ils espèrent que tout s’équilibrera d’une manière ou d’une autre au fil du temps. Il est effectivement beaucoup plus facile d’être juste en théorie que dans la vie réelle, d’où des tendances comme celles décrites dans de nombreux articles.

On trouvera toujours un sondage affirmant le contraire de celui que l’on vient de lire. Ainsi, la dernière étude sur l’argent de poche affirme que les parents de Suisse alémanique accordent des montants plus élevés que ceux de Suisse romande à leurs enfants. Tandis qu’en décembre 2024, la Generali (en allemand) écrivait que les enfants de Suisse romande reçoivent en moyenne quatre francs de plus. Tout dépend donc de qui demande à qui et des questions posées. Une chose est sûre, les enfant en ont conscience et trouvent toujours de nouveaux arguments pour convaincre leurs parents de leur accorder quelques francs de plus.

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Écrivain amateur et père de deux enfants, j’aime être en mouvement et avancer en équilibre sur le chemin sinueux de la vie de famille. Je jongle avec plusieurs balles et il m’arrive parfois d’en faire tomber une. Il peut s’agir d’une balle, ou d’une remarque. Ou des deux. 


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