
Point de vue
De la kryptonite pour tromper l'ennui : les 9 meilleurs jeux de super-héros
par Rainer Etzweiler
« Baldur’s Gate 3 » est le fruit d’un hasard un peu bizarre, alliant parfaitement timing, talent et nostalgie. Un chef-d’œuvre probablement impossible à reproduire à l’avenir.
Dans la pop culture, les planètes s’alignent parfois pour qu’une production dépasse toutes les attentes. En anglais, on parle d’éclair dans une bouteille (lightning in a bottle). Un moment unique de perfection éphémère, comme la première entrée en scène des Beatles au Ed Sullivan Show ou le casting de Heath Ledger, AKA le Joker dans The Dark Night.
Et Baldur’s Gate 3 ? C’est Zeus qui a chargé toute sa réserve d’éclairs dans une bouteille de champagne. Le jeu a été lancé en accès anticipé le 6 octobre 2020, et cinq ans plus tard, nous en parlons encore comme d’une révélation divine.
Pourquoi ce jeu est-il si spécial ?
Les deux premiers opus de Baldur’s Gate font déjà partie des meilleurs jeux de tous les temps. En 1998, la première partie sonnait la renaissance du genre RPG et la deuxième, sortie à peine deux ans plus tard, a proposé un univers où tout était plus grand, plus imposant et plus épique. Une génération entière de gamers et gameuses a grandi avec ces jeux et a longtemps attendu une suite digne de ce nom.
Quand Larian Studios a enfin publié Baldur’s Gate 3 en 2023, c’était le timing rêvé. Dungeons & Dragons, die Lizenz, auf der die Welt des Spiels und dessen Regelwerk basiert, erlebte gerade seine absolute Blütezeit.
Baldur’s Gate 3 reproduit si bien le ressenti d’une partie de D&D en personne que l’on sent presque l’odeur de pizza froide et de cola éventé. Les systèmes de dés, la liberté de résolution des problèmes, les conséquences de vos décisions... tout rappelle les tablées de JdR entre amis, mais avec de meilleurs graphismes et moins de discussions sur l’interprétation des règles.
Larian était idéal pour ce projet. Le studio de développement belge a publié son premier RPG, Divine Divinity, en 2002. Même si le résultat était à l’époque encore très loin de ce que l’on recherche aujourd’hui, les bases étaient posées pour une montée au rang de meilleur studio RPG du monde occidental.
Divinity Original Sin (2014) et Divinity Original Sin 2 (2017) se présentent comme le résultat de toute l’expérience acquise par Larian en ce début de siècle. En rétrospective, les deux jeux ont fait office de lettre de motivation pour le développement de Baldur’s Gate 3.
Plus d’une décennie d’expérience rencontre la liberté de création : dans le monde du gaming actuel, il s’agit là d’une combinaison encore plus rare qu’un jeu de Bethesda sans bug à son lancement. Néanmoins, cela n’a pas été laissé au hasard. En effet, avec un accès anticipé étendu sur une période de trois ans, le moins que l’on puisse dire est que Larian a pris son temps.
Tandis que certains studios nous servaient des produits à moitié cuits (rappelons-nous Cyberpunk 2077), Larian a profité de la communauté gaming comme d’un laboratoire de test géant afin de régler un maximum de difficultés avant la sortie officielle. De ce fait, le jeu est arrivé sur le marché presque sans bug malgré le nombre de possibilités d’interactions incalculable qu’il propose.
« Un jeu retardé peu être bon, mais un jeu précipité restera mauvais », comme le dit la citation que l’on attribuait autrefois (en anglais) à l’inventeur de Mario, Shigeru Miyamoto. Il semblerait que Larian ait placé ce dicton au cœur de sa croisade.
Par la même occasion, Baldur’s Gate 3 propose le parfait antidote aux nombreux titres triple A décevants des dernières années. Pas de microtransactions, pas de DLC payants dès le premier jour : juste un jeu complet, qui fonctionne bien.
Dans un jeu de rôle, l’intrigue est primordiale, et Baldur’s Gate 3 répond aux attentes avec brio, du moins dans le sens où les récits que mes compagnons de jeu vivent s’avèrent considérablement plus palpitants que l’histoire principale.
Je crois que je suis tombé amoureux de ces protagonistes... et que j’entretiens avec eux des relations clairement parasociales.
La parasocialité, c’est quand, après environ 200 heures de jeux, vous vous demandez si Shadowheart vous rappelle votre ex alors que vous mettez l’anniversaire de Karlach dans votre calendrier Teams. C’est le moment où vous vous dites « Wyll comprendrait, lui » alors que votre chef vous fait une remarque désobligeante, ou encore quand vous vous surprenez à vouloir parler des anciens traumatismes d’Asturion avec votre psychothérapeute.
Vous savez pertinemment que ces protagonistes ne sont pas réels, mais après la troisième cinématique touchante, votre cerveau se laisse convaincre que Gale est votre meilleur ami et que vous iriez au front pour sauver ce nerd accro à la magie.
Quand les personnages sont tellement bien écrits qu’ils déclenchent de vraies réactions émotionnelles et nous font réfléchir à nos propres relations, la parasocialité qui en découle est pardonnable, voire un gage de qualité. Désolé... ou pas, car la prochaine fois que je vais chez le psy, je lui parlerai de Halsin.
Tandis que les franchises RPG comme Dragon Age et Final Fantasy s’éloignent vers les contrées du gaming occasionnel, Larian met les gaz en direction de la complexité.
Baldur’s Gate 3 est un jeu de rôle d’une profondeur infinie, laissant une liberté absolue aux joueurs. Vous voulez tendre une embuscade aux mercenaires ? Allez-y. Vous voulez convaincre un boss de se suicider ? Pourquoi pas ! Vous voulez détrousser chaque PNJ et triompher en héros malgré tout ? C’est votre boussole morale, vos règles.
Presque chaque mission peut être approchée de manière unique. La fantaisie et l’envie d’exploration ne connaissent pas de limites. Furtivité, diplomatie, violence pure ou une combinaison d’un peu tout : le jeu respecte votre créativité et récompense la pensée non conventionnelle, ce qui mène au point suivant que j’aimerais aborder avec vous.
Des mois plus tard, nous parlons encore de nos façons d’accomplir nos quêtes passées. « De quoi ?? Tu as fait QUOI avec l’entrepôt des gobelins ?? » est devenu un running gag. C’est le genre d’engagement de la communauté organique que l’on ne peut pas acheter. Autrement dit, c’est ce qui se passe quand un jeu trouve écho chez ses joueurs et joueuses.
De concert avec le succès auprès de leur public, très peu de jeux peuvent se targuer d’une rejouabilité bien alléchante. Dans BD3, quand je clos une quête, je me demande systématiquement comment j’aurais pu m’y prendre autrement, avec encore plus d’ingéniosité.
Je pourrais recommencer le jeu cinq fois et y trouver mon compte avec une expérience complètement différente à chaque fois.
Larian avait le temps et le budget de créer le jeu qu’il voulait, sans compromis. Ni éditeur aux ambitions démesurées ni actionnaires à contenter. La liberté de créativité qui en résulte n’existe quasiment pas en-dehors de la scène indépendante, sauf bien sûr si l’on est Hideo Kojima et que l’on a un sugar daddy qui s’appelle Sony.
La licence et le timing étaient parfaits. On a l’impression que les joueurs de D&D n’ont jamais été aussi nombreux, mais les modes sont comme des vagues, elles disparaissent toujours au bout d’un moment. La prochaine tentative arrivera peut-être trop tôt ou trop tard.
Si l’on compare le prochain épisode au chef-d’œuvre actuel, on a de fortes chances d’être déçu. La pression se répand inéluctablement sur les développeurs, et personne ne travaille bien sous la pression. La créativité nécessite de l’espace pour respirer sans la peur permanente de produire le prochain Mass Effect : Andromeda.
Tout ce pessimisme n’est pas totalement dépourvu d’espoir. Larian n’est pas le seul studio RPG compétent. Pour moi, trois studios entrent en ligne de compte :
Obsidian Entertainment serait le choix logique. Il a prouvé qu’il comprenait les jeux de rôle avec Pillars of Eternity et montré qu’il avait aussi de l’humour avec The Outer Worlds.
Owlcat Games a démontré que la complexité ne lui faisait pas peur avec sa petite merveille « Pathfinder : Wrath of the Righteous », et « Warhammer 40 000 : Rogue Trader » sorti en 2023 est considéré par de nombreux fans comme la meilleure réalisation de jeu vidéo basée sur la licence Games Workshop.
CD Projekt Red dispose des moyens et du talent pour donner vie à ce projet. En revanche, le studio polonais doit encore confirmer que Cyberpunk 2077 était l’exception et non pas la règle.
Baldur’s Gate 4 viendra, mais ce sera un autre jeu, qui s’inscrira dans une autre époque. En soi, ce n’est pas plus mal. Nous avons déjà passé un bon moment. Nous avons vaincu des dragons, sauvé le monde, joué avec les ours... Bon, pour les ours, ce qui se passe à Faerûn reste à Faerûn.
Au début des années 1990, mon frère aîné m’a légué sa NES avec le jeu « The Legend of Zelda», déclenchant ainsi une obsession qui perdure encore aujourd’hui.
Vous lirez ici une opinion subjective de la rédaction. Elle ne reflète pas nécessairement la position de l’entreprise.
Tout afficherGrâce à Stranger Things, même les normies ont appris ce qu’est un D20, et Critical Role est passé de passe-temps de geek à phénomène de mode généralisé. Matt Mercer et son groupe de jeu de rôle papier diffusent régulièrement leurs parties en ligne et captivent des millions d’internautes par la même occasion. Le loisir que l’on ne respectait guère dans la cour de récréation est soudainement devenu un réel phénomène de mode.
Les personnages sont tellement bien écrits que même les plus critiques des critiques n’y trouvent rien à redire. La personnalité réaliste de la demi-elfe gothique Shadowheart nous tient en haleine jusqu’à la fin. Astarion est la canaille la plus attachante que je connaisse depuis Bender de Futurama. Et si un jour le fil de soie qui me retient dans mon hétérosexualité se rompait, ce serait certainement à cause de Gale, le red flag ambulant.
Ce mélange de liberté, de timing et de passion n’est pas si facile à reproduire, voire impossible, si les conditions se détériorent avec le temps. Wizards of the Coast, der Lizenzinhaber von Dungeons & Dragons, ist offenbar kein besonders angenehmer Arbeitspartner. Larians Studioboss Swen Vincke machte kurz nach dem Ende der Kooperation im März 2024 seinem Ärger über die Gier in der Szene Luft, ohne den Verlag direkt zu nennen. Le message était toutefois très clair : Baldur’s Gate 3 n’aurait pas pu voir le jour dans de telles conditions et un quatrième opus souffrirait de la même façon.
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