Plus nous communiquons via des appareils numériques, plus le risque est grand que le toucher se fasse rare. Pour les remplacer, l'artiste de science-fiction Lucy McRae a conçu une machine qui vous prend dans ses bras.
pour rester au courant.
Photo d’en-tête : "Compression Carpet" : une machine qui te comprime vraiment. Image : Ariel Fisher
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L'artiste de science-fiction Lucy McRae s'intéresse dès aujourd'hui aux problèmes de demain. Elle imagine des scénarios pour nous préparer au mieux à l'avenir et développe ensuite des "Future Survival Kits". Pour ce faire, elle collabore avec des scientifiques et des biologistes synthétiques spécialisés dans la fabrication de produits utiles à la société à partir de matériaux biologiques. C'est ainsi qu'est née la machine appelée "Compression Carpet", qui vous prend dans ses bras. Lors d'un contact tel qu'une étreinte, l'hormone ocytocine est libérée dans le cerveau, ce qui favorise le sentiment de bonheur. Si celles-ci ne sont pas présentes, cela a un impact négatif sur notre bien-être. L'artiste m'explique ce qui l'a poussée à créer ce design qui nous préserve d'un éventuel isolement social.
Comment vous est venue l'idée de créer une machine à bras ? Lucy McRae: Un toucher est le premier sens qui se développe dans le ventre de la mère, et pourtant il reste une sorte de phénomène. Notre attitude soumise face à la technologie a conduit à une crise du toucher. Les câlins se font de plus en plus rares en raison des changements technologiques et de l'augmentation de la communication via les médias sociaux et les smartphones. C'est pourquoi j'ai déjà mis en œuvre en 2015 une machine similaire appelée "Future Day Spa", qui effectue des câlins à 360 degrés. L'un des sujets, qui souffrait d'anxiété au toucher et n'avait aucun contact physique avec les autres, a été tellement ému après son traitement de neuf minutes qu'il m'a ensuite pris personnellement dans ses bras. Cette rencontre inattendue m'a motivé à créer le "Compression Carpet".
Le Compression Carpet a été présenté pour la première fois à l'exposition «Festival of Impossible» 2019 à San Francisco.
Pour l'utiliser, il faut être deux : quelqu'un qui s'allonge et quelqu'un qui actionne le levier pour l'étreindre. Images : Lucy McRae
Pourquoi avez-vous conçu Compression Carpet, contrairement à Future Day Spa, de telle sorte qu'il nécessite une deuxième personne? Le problème lorsque l'on vit une révolution, c'est qu'il est impossible d'avoir une vision réfléchie de ce qui est en train de se passer. Ce n'est qu'après coup que nous voyons clairement. Une machine qui vous étreint est-elle une solution à une crise d'étreinte imminente ? Ou est-elle une critique de la situation dans laquelle se trouve notre société à l'ère numérique ? Nous vivons le changement technologique comme si nous étions des marionnettes. Nous pouvons en influencer une partie, mais la plupart sont contrôlées par des tiers. C'est pourquoi quelqu'un d'autre a le contrôle de l'étreinte.
Votre travail a-t-il été inspiré par Temple Grandin, la créatrice de la "Hug Machine" ? Oui, Temple Grandin est une source d'inspiration depuis longtemps. Avant le Future Survival Kit, mon art était automatisé et pouvait être commandé par des machines. Compte tenu des contraintes de la galerie où Compression Carpet était exposé, j'ai voulu créer, à l'instar de sa "Hug Machine", une version qui puisse être utilisée manuellement - pas de câbles, juste confiée à une autre personne.
Existe-t-il d'autres interactions qui pourraient être tout aussi importantes pour éviter un manque d'intimité? L'ocytocine, l'hormone du bonheur, est libérée lors des câlins, des rapports sexuels ou de l'allaitement. Lors de la Triennale de Milan, j'ai exposé la machine "Compression Cradle" qui enveloppe le corps d'air pour obtenir et amplifier le même effet. Le corps a été entièrement recouvert d'un film. Aucun contact humain ne peut faire cela. Sauf si plusieurs personnes de même poids sont placées de manière à ce que chaque partie du corps soit recouverte. Je spécule que cette surface artificielle est significative et critique pour l'intimité future.
Qu'est-ce qui va suivre pour le kit de survie du futur ? Dans mon studio, nous agissons avec une mentalité de start-up : nous développons des prototypes, résolvons les problèmes très tôt et apprenons de nos erreurs. Cette attitude évolue et est à l'opposé du perfectionnisme. Cela signifie que nous agissons à partir d'un lieu d'inconnu, ce qui exige que toutes les personnes impliquées soient prêtes à prendre des risques. Quand j'étais enfant, j'arrangeais des fleurs séchées en bottes durables. Aujourd'hui, j'aimerais que mon travail débouche sur des produits commerciaux durables qui influencent notre comportement et nous préparent pour l'avenir.
Entre une série de coussins, l'utilisateur doit s'allonger pendant environ trois minutes. Image : Ariel Fisher
