
Guide
En visite chez la sexologue
par Natalie Hemengül
On pense souvent que la baisse de libido est un problème de femme. Mais que faire quand c'est l'homme qui n'a pas envie ? Dania Schiftan, sexologue, évoque les causes, les relations de longue date et les raisons pour lesquelles les aphrodisiaques ne constituent pas le solution.
Les hommes ont toujours envie, ils y arrivent toujours. S'il ne peuvent ou ne veulent pas, c'est que ce ne sont pas des hommes. Voilà un cliché sexiste qui, selon la sexothérapeute Dania Schiftan, a encore la vie dure chez les gens. « Ces schémas de pensée mettent la pression sur les hommes souffrant d'une baisse voire d'une absence de libido et ne les aident donc pas à parler de leurs problèmes. »
Dans son cabinet, l'experte a néanmoins observé une évolution surprenante au cours des dernières années. « Les hommes sont plus nombreux à faire appel à moi pour de l'aide », explique Dania Schiftan. « Même si les femmes représentent une majorité, il semble que les hommes soient moins bloqués, le sujet revenant souvent dans les médias. » En tant que thérapeute, elle accompagne les personnes formulant explicitement leur volonté de sexualité et de disposition à changer. « On a tous le droit de ne pas avoir envie. Si on ne souhaite pas de vie sexuelle, c'est un choix personnel. »
Selon Dania Schiftan, le terme « Envie » est éculé. « Quand mes patients disent qu'ils n'ont pas envie de sexe, nous devons découvrir ensemble de quoi ils n'ont pas envie. » De nombreux hommes apprennent leur propre sexualité par la masturbation et l'utilisent pour relâcher la pression. « L'onanisme est une sorte d'exutoire pouvant être utile dans de nombreuses situations. »
Lorsqu'un ou une partenaire se joint à cette sexualité, alors les concernés remarquent un basculement dans le déroulement. « Ils veulent soudainement tenir plus compte de l'autre, être plus attentifs ou prendre pus de temps que d'habitude. Même les caresses s'invitent. » Le plaisir joue alors un rôle central. « Un tel changement est très positif, mais apporte de nouvelles exigences sur un plan corporel et émotionnel. »
« Beaucoup de mes patients qui se plaignent d'une baisse de libido m'avouent se masturber encore. Ce manque d'envie ne concerne alors que le sexe avec le ou la partenaire. » Selon Dania Schiftan, il provient de leur impossibilité de se procurer ce dont ils ont besoin à ce moment-là. Par exemple, le fait de relâcher la pression. « En revanche, certains hommes remarquent ne pas arriver à se concentrer sur une érection en étant sous stress et ne ressentent donc aucun plaisir. D'autres encore font dépendre leur plaisir de la peur de ne pas arriver à maintenir une érection. » L'expérience selon laquelle les relations sexuelles avec le ou la partenaire durent plus longtemps et sont plus compliquées peut également avoir une influence.
Selon la sexologue, le plaisir est cyclique. Autrement dit, les phases d'envie sont plus ou moins prolongées. De petites fluctuations sont donc tout à fait normales. Si le manque d'envie va au-delà, alors les raisons sont multiples.
Elles peuvent être d'ordre physique ou psychologique. « Maladies graves ou encore déséquilibres hormonaux sont des déclencheurs physiques. Les médicaments comme les antidépresseurs peuvent également avoir une influence. La thérapie sexuelle n'a de sens que lorsque de tels dysfonctionnements « mécaniques » peuvent être exclus par un médecin.
La dépression fait partie des causes psychologiques. « Cependant, il n'est pas nécessaire qu'elle se manifeste physiquement. Pour certains, la sexualité constitue même une aide. En revanche, l'envie chez les hommes ayant un rapport instable avec leur propre corps dépend plutôt de l'humeur. »
En recherchant les causes, il serait donc hâtif de le désigner comme premier « suspect ». Un exemple ? On pourrait soupçonner un faible taux de testostérone d'être le déclencheur d'une baisse de libido. À la suite d'une consultation avec l'urologue, il est possible que le taux de testostérone soit faible, mais pas assez pour être responsable. Selon Dania Schiftan, il existe également des cas où la personne s'est vu administrer de la testostérone sans que cela ne change quoi que ce soit. « La plupart des patients souhaitent secrètement que leur problème soit dû à un déséquilibre hormonal, déséquilibre qu'une simple pilule suffirait à régler. Cependant, plusieurs facteurs ont une influence. »
« Les relations de longue date sont un sujet en soi », explique Dania Schiftan. « En règle générale, la sexualité devient très monotone et récurrente au fil des ans. Les couples réduisent leur sexualité au plus petit dénominateur commun, à quelque chose qu'ils apprécient ou qui convient », explique-t-elle. Dans ce cas, le manque de désir s'inscrit dans ce programme standard. « Selon les recherches, la sexualité se détériorerait continuellement pendant les six premières années d'une relation, pour rester au même niveau pendant les 20 à 30 années suivantes ».
Selon la sexologue, la baisse de libido obtient une place centrale et crée une certaine dynamique. « Cela ne signifie pas qu'il faille recourir à la thérapie. Stimulée par la thérapie, la personne qui prend soudainement des initiatives se heurte à l'incertitude ou au rejet de sa ou son partenaire. C'est ce que j'observe souvent. Un exemple ? La femme suit une thérapie et fait des pas dans la bonne direction. L'homme, en revanche, remarque qu'il ne s'attendait pas à ce que la situation change et se retrouve dépassé. » Le problème ne se résout pas d'un claquement de doigts. Cela demeure un sujet qui touche les deux parties dans le couple. »
Celui ou celle qui appuie sur le frein du désir dans la relation a le contrôle en quelque sorte. « Ce déséquilibre soulève des questions : combien de temps peut-on laisser durer une telle situation et à partir de quand la personne souhaitant assouvir ses besoins peut-elle exiger du sexe ? C'est un cas de figure auquel un couple doit faire face. Selon Dania Schiftan, une question centrale se pose également : dois-je le prendre personnellement ou est-ce un problème qui touche la personne qui n'a pas envie ?
Le moment où cette baisse de libido devient un problème varie d'un homme à l'autre. « Celui qui n'a jamais été concerné par le problème se sentira vite dérouté et cherchera probablement de l'aide plus rapidement que les autres. Prenons l'exemple d'un homme confronté à maintes reprises à cette baisse de libido et en concubinage avec un ou une partenaire peu demandeur/se sexuellement : des années peuvent s'écouler avant que cela ne devienne un problème », explique Dania Schiftan. Mais est-il réaliste de trouver un dénominateur commun de plaisir ? « Pas toujours et certainement pas en incluant tout ce que nous désirons. L'objectif est de trouver un dénominateur qui convienne à la fois aux deux parties ».
Selon Dania Schiftan, les hommes pour qui une thérapie sexuelle est hors de question se rabattent sur Internet pour rechercher des « solutions simples », par exemple des aphrodisiaques, des substances actives censées booster la libido : crèmes, pilules, aliments, compléments, etc. Dania Schiftan déconseille vivement les médicaments illégaux ou délivrés sur ordonnance : « Les effets secondaires ou les conséquences à long terme peuvent s'avérer dévastateurs. Les médicaments sont uniquement délivrés sur ordonnance à l'issue d'une consultation en bonne et due forme, la plupart du temps, en complément d'une thérapie. Dans ce cas, les médicaments agissent comme une aide durant une période de transition. »
En revanche, on peut miser sur les aliments en organisant par exemple un dîner romantique avec des huîtres et en créant une ambiance propice susceptible de déboucher sur du sexe plus tard. « Ce sexe n'est pas forcément lié aux huîtres, dont on dit qu'elles sont aphrodisiaques, mais à l'atmosphère propice. » Si vous vous attendez à ce qu'un aliment aphrodisiaque transforme une braise en un feu puissant, vous vous fourvoyez. « Il n'y a aucun produit capable de ça dans ce monde. Il y a rarement une issue facile ».
Voilà la troisième partie d'une série d'articles avec Dania Schiftan sur le thème de la sexualité. Vous avez des remarques ou des questions auxquelles vous aimeriez avoir des réponses dans le prochain article ? Alors, laissez-moi un commentaire ci-dessous ou écrivez-moi à natalie.hemenguel@digitecgalaxus.ch
Dania Shiftan travaille depuis 13 ans comme sexologue et psychothérapeute dans son cabinet à Zurich. Vous trouverez plus d'informations sur elle et son travail dans l'interview que j'ai menée avec elle.
En tant que fan de Disney je vois toujours la vie en rose, je vénère les séries des années 90 et les sirènes font partie de ma religion. Quand je ne danse pas sous une pluie de paillettes, on me trouve à des soirées pyjama ou devant ma coiffeuse. PS Le lard est un de mes aliments favoris.