Nouveautés + tendances

Sabrina Kriesi, prof de yoga

Dominik Bärlocher
18/4/2018
Traduction: Stéphanie Casada

Quand un loisir se transforme en passion et une passion en profession. Sabrina Kriesi a réussi à trouver la sérénité dans un monde qui se veut de plus en plus agité.

«Si tu fais du yoga une fois par semaine, ton corps change», dit Sabrina Kriesi. La jeune femme de 28 ans est assise sur un tapis de yoga posé à même le sol.

«Si tu fais du yoga trois fois par semaine, tes pensées changent.» Bien qu'elle bouge ses jambes sans arrêt – d’abord en tailleur, puis avec le genou gauche au menton et son pied nu en main –, le haut de son corps reste immobile.

«Si tu fais du yoga tous les jours, ta vie change.» Elle lève le regard au plafond et on remarque ses longs cils foncés. La prof de yoga commence son récit. Elle parle du yoga, d'elle-même, de la vie et des bougies.

Le tapis en Nouvelle-Zélande

Elle n’aurait jamais pensé enseigner le yoga en plus de son travail de Key Account Manager chez Digitec Galaxus. Et elle s’attendait encore moins à trouver son style de vie en Nouvelle-Zélande, à l’autre bout du monde soit 12 024 kilomètres à vol d'oiseau de la terre d’origine du yoga, l'Inde. C’est la frénésie de la jeunesse qui a entraîné la femme alors âgée de 20 ans loin de chez elle. Après avoir terminé son apprentissage, elle part à l’étranger. Elle a tout abandonné en Suisse pour s’installer en Australie, puis en Nouvelle-Zélande.

«Je ne sais même pas moi-même pourquoi j'ai fait ma formation dans l’hôtellerie», dit-elle. Elle réfléchit un instant, puis rit, gênée. «Non, en fait, je me souviens. C’est parce que je voulais voyager.» Le diplôme lui ouvre les portes du monde. Son premier emploi l'amène en Nouvelle-Zélande. Elle a l’impression d’y travailler tout en étant en vacances. Quand elle ne travaille pas à l'hôtel, elle chevauche les vagues avec sa planche de surf et se détend en se perdant dans ses pensées.

En Nouvelle-Zélande, Sabrina vit au rythme des grandes vagues, des horizons sans fin et du stress de l'hôtel.
En Nouvelle-Zélande, Sabrina vit au rythme des grandes vagues, des horizons sans fin et du stress de l'hôtel.
Source : Photo de Sabrina Kriesi

Mais la vie entre l'hôtel et les plages de rêve de ce pays qui a servi de Terre du Milieu au «Seigneur des Anneaux» n’est pas toute rose non plus. «J'en ai eu assez de travailler à Noël, Nouvel An et autres jours fériés», explique-t-elle. Elle semble un peu nostalgique. Mais, et ça elle en est sûre, elle est très heureuse de pouvoir passer les fêtes avec sa famille.

En Nouvelle-Zélande, Sabrina, qui se décrit elle-même comme quelqu’un de «versatile», découvre le yoga. D'abord en tant qu’élève. «Je m'y suis inscrite, puis j’y suis allée tous les jours. J’étais super motivée avec mon tapis et tout le reste». On ressent une petite amertume, entre l'ironie et l'innocence, quelque chose comme «je n'avais aucune idée à l'époque...»

Mais Sabrina s’accroche. Elle fait du yoga tous les jours. Change physiquement. Change sa façon de penser. Sa vie commence à changer.

L’élève devient prof

Sabrina apprend une chose très rapidement: le yoga, ce n'est pas que du yoga. La femme active découvre qu'il existe des styles de yoga qu’elle préfère, mais cela ne signifie pas nécessairement que ces variantes lui font du bien. En préparant chacune de ses leçons, Sabrina se demande comment bien faire. Qu'est-ce que ses élèves doivent apprendre? Quel est son but en tant qu'enseignante? Quelles techniques permettent d'y parvenir? Parce que chaque posture signifie quelque chose de différent, déclenche autre chose dans le corps et dans l'esprit.

Sabrina cherche la paix, l'ancrage et l'équilibre.

Le yoga est né en Inde, s’écrit योग en sanskrit et combine des exercices mentaux, spirituels et physiques. La religion, la méditation et le fitness ne forment plus qu’un. On spécule sur ses origines. On dit qu'il a été inventé avant l’Âge védique, c'est-à-dire avant 1500 av. J.-C. Les premiers documents décrivant sa pratique ont été retrouvés dans le Rig-Véda (ऋग्वेद). Les hymnes du livre ont été écrits pour la première fois vers 1200 av. J.-C. Durant les près de deux mille cinq cents ans qui se sont écoulés depuis, les pratiquants ne se sont pas contentés de l'état originel du yoga et ont développé plusieurs styles. Chaque style a un objectif différent, un peu comme dans le sport avec l'entraînement d'endurance et la musculation.

Sabrina, elle, se consacre au Hatha Yoga traditionnel. Elle va à Bali. Elle y suit une formation pour devenir professeur. 200 heures de yoga, des semaines de sept jours, Sabrina s'immerge dans le yoga, assimile les exercices de respiration et de mouvement, son esprit change. Elle apprend à transmettre ses connaissances et ses compétences.

«Le style de yoga qui vous plaît n'est pas forcément celui dont vous avez besoin.»

Difficile de savoir quel style est fait pour qui. Elle compare le Vinyasa (विन्यास) et le Hatha (हठ), et dit ce qu’elle pense vraiment du Power Yoga.

Vinyasa: le flux constant

Le mot «Vinyāsa», avec un S qui siffle et un premier A court, se compose en fait de deux mots. «Nyasa» signifie «placer» et «vi» signifie «d'une manière spécifique». Dans le monde du yoga, le terme est utilisé pour la transition entre deux postures et désigne aussi un style propre.

Le Vinyasa est basé sur l'éphémère et le mouvement, tout le contraire de ce que cherche Sabrina.

«Le Vinyasa n’est pas fait pour moi», dit Sabrina. Parce que lorsqu’on pratique le Vinyasa, le corps enchaîne les postures, il est toujours en mouvement. Presque aucune pose n'est maintenue longtemps. Ce yoga ne permettrait en aucun cas à une personne comme Sabrina – fougueuse, impulsive et active – de trouver l’équilibre recherché, bien au contraire.

Les adeptes du Vinyasa restent rarement immobiles parce que ce style appelle à un flux constant: dans le monde, rien n’est permanent, tout est en mouvement et temporaire. D’après le livre «Ashtanga Yoga: Practice and Philosophy» de Gregor Maehle, il est insensé de s'accrocher émotionnellement à quelque chose. Vinyasa devrait libérer et soulager.

Hatha: l'équilibre entre le soleil et la lune

Le mot Haṭha est composé de deux syllabes. «Ha» pour le soleil, «ṭha» pour la lune. Mais les deux syllabes ont aussi d'autres significations, comme «persévérance» et «effort». Le Hatha est le contraire du Vinyasa: on apprend à calmer son esprit, à le contrôler et à l'ancrer.

«C'est exactement pour ça que j’ai choisi le Hatha Yoga traditionnel», déclare Sabrina, qui semble généralement perdre son calme assez vite. Ses mouvements sur le tapis sont précis, forts et doux à la fois. Lorsqu'elle enchaîne les postures, Sabrina est dans son propre monde, ne percevant que de façon limitée ce qu’il se passe autour d’elle.

«Au début, je n’avais pas l’habitude de rester immobile», dit-elle. Parce qu'en Nouvelle-Zélande, sa vie entre le rythme effréné de l’hôtel et la planche de surf n'a rien à voir avec la fixité. Et puis, tout d'un coup, l'immobilité. La méditation. Le silence. «Ça permet de remettre les pieds sur terre», dit-elle.

Pendant les exercices aussi, la pause est un aspect essentiel du Hatha Yoga. Les asanas, les postures, sont tenues. Sabrina se penche vers le bas, étire un bras vers le sol et l’autre vers le ciel, et reste comme ça. Ses muscles se contractent, sa respiration reste calme, ses yeux s'ouvrent, mais elle regarde dans le vide.

Chaque asana agit différemment sur le corps et l'esprit.

Dans le monde du yoga, la respiration porte le nom de Praṇayama (प्राणायाम). On dit qu’elle reflète la condition physique et mentale. Si vous pouvez calmer votre respiration malgré le stress, alors votre moi intérieur se calme.

Power Yoga: pour Instagram et les followers

Il y a un style de yoga, si on peut d’ailleurs l’appeler comme ça, que Sabrina n'aime pas. Il s’agit du Power Yoga moderne.

«Ceux qui ne s'intéressent qu'aux contorsions et postures fantaisie n'ont rien compris au yoga», dit-elle avec une sévérité qu’on ne lui connaît pas. Son expression devient plus dure, ses grands yeux bruns deviennent plus petits, les coins de sa bouche se resserrent.

Elle commence une tirade qui n’épargne en rien le style de yoga tendance. Ceux qui pratiquent le Power Yoga ne s'intéresseraient qu'à la popularité et aux likes sur Instagram. «Bien sûr, tout a l'air génial et le corps doit faire des efforts. Mais on oublie complètement l'aspect mental.»

Pour Sabrina, chez le Power Yoga, il manque l’aspect spirituel.

Elle fait une comparaison avec une voiture. «Your body is a vessel», votre corps est un véhicule. Le yoga, Sabrina enchaîne les mots rapidement, c'est comme la station essence. «Il vous permet de recharger vos batteries, vous apprendrez à vous contrôler et à vous conserver.» Quoi qu'il en soit, la méditation est l'asana la plus exigeante, car c'est elle qui demande le plus d’efforts à l’esprit.

Un contraste frappant du Power Yoga: «le poirier tranquille sur les coudes».

Le muesli sur la table

Le mouvement et la méditation ne suffisent pas. Chaque matin, quand Sabrina va travailler, elle a déjà passé du temps dans la cuisine. Elle se prépare un muesli à base de fruits frais et de céréales tous les jours. L’alimentation est aussi un aspect du Hatha Yoga.

Le muesli est à Sabrina ce que le café est pour d’autres.

Pour aller dans le sens de la maxime du yoga «vie simple, pensée sublime», il faudrait manger des choses faciles à digérer, fraîches et surtout végétariennes. Une alimentation simple ne surcharge pas l'estomac, mais donne au corps ce dont il a besoin pour bien fonctionner.

«Si je ne mange pas mon muesli le matin, il ne faut rien me demander», dit Sabrina, qui compare le bol plein de fruits et de légumes avec le café du matin ou la cigarette au réveil d’autres personnes. Sans lui, rien ne va. La non-fumeuse rit. «Sérieusement», ajoute-t-elle. Son sourire s’efface.

Le yoga a changé la vie de Sabrina.

Elle vit plus consciemment, mange plus sainement. Et elle continue d'apprendre. En plus de l'entraînement physique supplémentaire, dès qu’elle le peut, la prof redevient élève et poursuit sa formation. Elle est sûre que seule une bonne élève peut devenir une bonne prof. En plus des cours de yoga avec Stephen Thomas – plusieurs fois par semaine – elle a un nouveau projet en tête: 300 heures de formation continue qu’elle suivra parallèlement à son activité professionnelle.

«J'en apprendrai davantage sur l'anatomie, le corps et l’ossature, et j'approfondirai mes connaissances. Trois cents heures sur et à côté du tapis», dit Sabrina. On sent qu’elle se réjouit. Ce sera difficile, mais elle est sûre d'une chose: elle n’aura jamais fini d’apprendre.

Cet article plaît à 35 personne(s)


User Avatar
User Avatar

Journaliste. Auteur. Hackers. Je suis un conteur d'histoires à la recherche de limites, de secrets et de tabous. Je documente le monde noir sur blanc. Non pas parce que je peux, mais parce que je ne peux pas m'en empêcher.


Sport
Suivez les thèmes et restez informé dans les domaines qui vous intéressent.

Beauté
Suivez les thèmes et restez informé dans les domaines qui vous intéressent.

Santé
Suivez les thèmes et restez informé dans les domaines qui vous intéressent.

6 commentaires

Avatar
later