
En coulisse
C'est pourquoi vous vous touchez si souvent le visage
par Anna Sandner
Une équipe de recherche suisse a réussi à combattre durablement les cauchemars grâce à une nouvelle méthode de traitement. La réactivation ciblée de la mémoire (TMR) peut aider les personnes souffrant de trouble du cauchemar à mieux dormir.
Il n’est pas rare que les personnes qui sont tourmentées par des cauchemars la nuit souffrent également de cette expérience de sommeil négative pendant la journée. Ce serait donc un véritable rêve si les mauvais rêves pouvaient être chassés à long terme.
Dans une petite expérience neuroscientifique, des chercheurs ont pu démontrer une technique favorisant la mémoire, qui fait du sommeil non perturbé une réalité pour certaines personnes sujettes aux cauchemars. À l’avenir, l’équipe de recherche suisse espère pouvoir utiliser cette technique pour aider les patient·es souffrant de troubles de stress post-traumatique.
Jusqu’à présent, le trouble du cauchemar est traité par ce que l’on appelle l’Imagery Rehearsal Therapy (IRT), une thérapie par répétition d’imagerie mentale. Dans ce traitement, les patients imaginent les cauchemars avec une tournure positive, en rejouant mentalement la nouvelle histoire à l’état de veille. L’IRT peut réduire la fréquence des cauchemars chez la plupart des patient·es, mais elle échoue chez près d’un tiers d’entre eux ou elles.
Grâce à une réactivation ciblée de la mémoire, appelée « Targeted Memory Reactivation » (TMR), la neuroscientifique Sophie Schwartz et son équipe de l’Université de Genève sont parvenues à renforcer l’effet de l’imagerie thérapeutique. Cette technique consiste à émettre un son pendant qu’une personne se concentre sur l’apprentissage de quelque chose. Le même signal sonore est ensuite rejoué lorsque le sujet dort. Le signal sonore émis pendant le sommeil permet de réactiver et de renforcer la mémoire associée, c’est-à-dire ce que le sujet a appris lorsque le son a été joué auparavant.
Pour l’étude, 36 personnes souffrant de trouble du cauchemar ont été réparties en deux groupes : un groupe a reçu un entraînement IRT ordinaire. Dans l’autre groupe, l’entraînement IRT, c’est-à-dire l’imagination d’une fin de cauchemar positive, était accompagné d’un bref accord de piano.
Pendant deux semaines, les deux groupes se sont entraînés quotidiennement à donner une fin heureuse à leurs cauchemars en tenant un journal de rêves. Pendant qu’iels dormaient, les participant·es portaient un bandeau sensible pour détecter les différentes phases de leur sommeil en fonction de l’activité électrique de leur cerveau. Pendant les phases de sommeil paradoxal, c’est-à-dire les phases de rêve, l’accord de piano est rejoué toutes les dix secondes pour les deux groupes. Comme seul le groupe TMR a été habitué à ce son, seul·es ces participant·es ont pu l’associer à leur nouveau scénario issu de l’entraînement IRT.
Dans les deux groupes, l’entraînement IRT a sensiblement amélioré la situation : le groupe qui n’a reçu que l’IRT n’a plus fait en moyenne qu’un seul cauchemar par semaine au lieu de trois expériences oniriques angoissantes. Dans le groupe qui avait associé ses fins de rêves positives à l’accord de piano, le TMR a presque entièrement dissipé les cauchemars. Sa moyenne hebdomadaire de trois cauchemars est tombée à 0,2. En outre, l’entraînement a même favorisé des rêves plus heureux.
Et même à long terme, la combinaison de l’IRT et de la TMR était avantageuse : après trois mois, la moyenne du groupe TMR n’a que légèrement augmenté, passant d’environ 0,2 à 0,3 cauchemar par semaine, tandis que la moyenne du groupe recevant uniquement l’IRT est passée à 1,5.
Les résultats des chercheur·euses suisses sont prometteurs, mais des études à plus grande échelle doivent suivre pour pouvoir généraliser les résultats. Jusqu’à présent, le nombre de participant·es était trop faible pour cela et le groupe de personnes étudié se composait exclusivement de personnes âgées de 20 à 35 ans souffrant de trouble du cauchemar sans maladie mentale. De plus, il manquait dans l’étude un groupe de contrôle qui n’avait pas du tout été traité par IRT, afin de pouvoir établir un rapport correct entre les traitements.
Il faudra donc encore attendre avant que la combinaison IRT et TMR ne devienne une forme de thérapie accessible à tous. Même si d’autres études de plus grande envergure confirment les résultats, les traqueurs de sommeil disponibles dans le commerce constituent encore un obstacle à l’heure actuelle. Jusqu’à présent, les appareils sur le marché ne sont pas capables de distinguer les stades de sommeil aussi précisément que les mesures de l’activité cérébrale utilisées dans l’étude.
Mais dans des conditions cliniques, on peut éventuellement envisager à l’avenir un bénéfice pour les personnes souffrant d’un trouble de stress post-traumatique, chez qui les cauchemars répètent des événements traumatiques. Mais là encore, des études supplémentaires sont nécessaires dans un premier temps.
Source : S. Schwartz, A. Clerget et L. Perogamvros. Enhancing imagery rehearsal therapy for nightmares with targeted memory reactivation. Current Biology. Publié en ligne Octobre 27, 2022. doi : 10.1016/j.cub.2022.09.032.
Photo d’en-tête : gorodenkoff/shutterstockRédactrice scientifique et biologiste. J'aime les animaux et je suis fascinée par les plantes, leurs capacités et tout ce que l'on peut faire avec et à partir d'elles. C'est pourquoi mon endroit préféré est toujours à l'extérieur - quelque part dans la nature, volontiers dans mon jardin sauvage.