
En coulisse
Une bibliothèque qui n'est pas vraiment la mienne
par Carolin Teufelberger
Je suis loin de posséder un trésor de livres bien rangés ou même entretenus. Mais presque tous les ouvrages de ma bibliothèque ont une signification, d'une manière ou d'une autre.
Ma femme, avec qui je suis marié depuis plus de dix ans, et moi avons déménagé plusieurs fois. Les cartons de livres, nombreux, s'avéraient toujours les plus lourds, ce à quoi je n'étais pas à l'origine. Contrairement à ma femme, je ne conserve pas les livres. En général, je lis de la fiction, c'est-à-dire du divertissement, et des livres spécialisés dont l'état des connaissances est dépassé plus vite que le temps nécessaire à la lecture.
Nous avons une répartition « équitable » 80-20 en ce qui concerne l'espace sur les étagères de la bibliothèque. Les livres qui occupent « mes » 20 % de la grande bibliothèque du bureau mansardé n'ont pas été mis de côté de façon aléatoire. Ils attendent que je décide de leur sort ou d'être offerts.
Parmi les livres soigneusement conservés figurent une dizaine d'œuvres dont « Faust », de Goethe, dans une édition de 1967, héritée de mon père, ancien professeur d'allemand, et dans laquelle il a ajouté quelques annotations concernant l'interprétation de la signification, les « Souffrances du jeune Werther », éditions encore plus anciennes, de 1955 et 1956, et la tragédie « Antigone » de Sophocle. On y trouve d'autres ouvrages me rappelant les atroces cours de latin, notamment « Action Contre Verres » de Cicéron ou encore des études de Sciences Po avortées « Le Savant et le Politique » (« Politik als Beruf ») de Max Weber.
Depuis la fin de mes études, j'ai pu prendre des décisions littéraires plus indépendantes en ajoutant à ma collection des œuvres de fiction d'auteurs de renom comme John Irving (« Last Night in Twisted River » – « Dernière nuit à Twisted River »), Ken Follet (« La Chute des géants » – « Fall of Giants »), Robert Harris (« Munich ») et Florian Illies (« 1913 »), sur un pied d'égalité avec les témoins de ma consommation actuelle de livres, des thrillers dont les personnages principaux sont des agents et/ou des politiciens.
Que ces thrillers d'espionnage soient produits à la chaîne est très pratique. « Der Cassandra Plan » de Robert Ludlum, livre de poche acheté pour la réserve et dont le personnage principal est John Smith, m'attend déjà. Dans ce livre, l'agent Smith doit arrêter un Russe fou à lier menaçant le monde avec des virus mutants de la variole. Dans le volume « Opération Hadès », que j'ai bientôt terminé, l'intrigue est assez similaire ; un groupe pharmaceutique veut s'enrichir en lâchant sur l'humanité un virus mortel pour lequel il a développé le remède en secret. Il s'agit d'un complot se tramant jusque dans les plus hautes sphères du pouvoir.
Je les lis puis m'en débarrasse, au grand désarroi de ma femme, qui pense qu'un livre ne se jette pas. Elle les garde donc tous, si bien qu'il ne me reste guère de place sur les étagères, raison pour laquelle je ne possède, outre l'édition complète des albums d'Astérix reliée en cuir, que quelques livres spécialisés ; livres de photos avec clichés de cent ans d'histoire renfermant des photos panoramiques, par exemple de New York et du World Trade Center, « Football unser », comportant des statistiques sur le monde du football, jouxtant une chemise en similicuir à fermeture éclair recelant des cartons jaunes et rouges, un sifflet, des cartes de notes de match et un pion pile ou face, des reliques d'une époque où j'étais arbitre le week-end, me rendant de terrain de foot en terrain de foot en province pour arrondir mes fins de mois.
Face un à tel chaos dans la bibliothèque, Ursus Wehrli, auteur de « L'art du rangement d'Ursus Wehrli », aurait de quoi s'occuper. Ma bibliothèque reste un reflet de ma vie littéraire, étrange pour les personnes extérieures, mais compréhensible pour moi, peu importe qu'Ursus Wehrli compte les frites ou trie les voitures par couleur sur un parking. Je me sens bien dans mon désordre.
Chaotique, chronologique, alphabétique ; par couleurs, par taille ; géographique, autobiographique, thématique. Chacun(e) a sa propre idée de la façon dont une bibliothèque doit être rangée. Nous, rédacteurs et rédactrices de Galaxus, vous montrons nos bibliothèques. Le prochain ? David Lee.
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Je suis journaliste depuis 1997. Stationné en Franconie, au bord du lac de Constance, à Obwald, Nidwald et Zurich. Père de famille depuis 2014. Expert en organisation rédactionnelle et motivation. Les thèmes abordés ? La durabilité, les outils de télétravail, les belles choses pour la maison, les jouets créatifs et les articles de sport.