
En coulisse
"En tant que maquilleuse, je produisais beaucoup de déchets et je ne pouvais plus les assumer".
par Natalie Hemengül
Les drag queens sont des artistes du transformisme aux multiples facettes. « La Rica » est l'une d'entre elles. Bref entretien.
D’où vient ton nom d’artiste ?
La Rica : Rica, ou La Rica (elle) est un simple dérivé de mon nom d'état civil, Rico, avec lequel je fréquente principalement la communauté des balrooms argentines. En fait, ce nom est venu de lui-même lors de mon dernier anniversaire, alors que je voguais. Mes ami·es m’ont encouragé·e en scandant « dale Rica, dalo todo », c'est-à-dire « allez, Rica, donne tout ». Depuis, j'utilise ce nom. Il n'est pas très créatif, mais j'aime bien qu’il joue avec mon nom civil.
À quoi ressemble le quotidien de Rico ?
Actuellement, je travaille comme vendeur·se chez un glacier de Zurich pour l’été. En septembre, je retourne à Buenos Aires, où je vis depuis un an et demi. Je suis journaliste freelance et écris sur les questions LGBTIQA+, notamment pour le magazine Display et pour le média allemand queer.de. Sinon, je dirige des ateliers sur le thème du genre et conseille les entreprises sur la manière dont elles peuvent aborder ce thème en interne sans se contenter de faire du pinkwashing dans sa communication externe.
Qu’est-ce qui différencie ton personnage de drag queen de ta personnalité ?
Je me demande parfois laquelle est ma véritable personnalité. Je crois que ma plus longue performance drag a en fait été celle de consultant·e en relations publiques. Là aussi, il y avait de ma personne, mais il y avait aussi beaucoup de choses simplement apprises. On peut apprendre les codes sociaux, les concepts, la façon de parler pour travailler dans le marketing, il suffit ensuite de jouer le jeu : expérience clientèle, générer une plus-value. Je n’irai pas jusqu’à dire que tout cela ne m'a jamais intéressé·e. Le monde du marketing et des relations publiques m’a passionné·e, mais l’importance que revêt le travail salarié dans la construction identitaire, surtout en Suisse, est délirante. C’est d’ailleurs bien souvent la première question que l’on pose à quelqu’un. Mon personnage de drag s’en inspire. Je joue souvent avec l’image d’une Boss Bitch qui, même si elle voit le néolibéralisme d’un œil critique, en maîtrise tous les rouages et sait en tirer le meilleur parti.
En quelques mots : « Mes looks drag... »
... ne sont jamais un déguisement.
Comment en es-tu venu·e à cette forme d’art ?
Grâce à la scène ballroom. Je suis assez actif·ve dans la culture ballroom de Buenos Aires, je vais aux bals et y concours dans différentes catégories. J’y trouve aussi beaucoup d’inspiration. Lors de mon premier bal, il y a environ un an et demi, je me faisais encore maquiller par quelqu'un d'autre. Le résultat était super, mais je voulais moi aussi apprendre à réaliser ces maquillages. J’ai ensuite découvert « Escuela Drag », une école de drags à Buenos Aires. Je m'y suis inscrit·e et j'ai suivi plusieurs cours. Tout à coup, j’ai été happé·e par cette forme d’art, en partie parce qu’il est aussi très politique.
Que t’apporte l'art du travestissement ?
Le terme « travestissement » est amusant, en quelque sorte très démodé, mais je l’aime quand même. En Argentine, « travestí » signifie trans. De nombreuses femmes trans argentines utilisent ce terme autrefois utilisé de manière péjorative pour se désigner elles-mêmes. En allemand, c'est évidemment une autre histoire. Pour répondre à ta question, le travestissement m’apporte l’euphorie de genre, c’est-à-dire la joie de m’explorer et de découvrir ma non-binarité. J’aime brouiller les pistes. C’est un voyage qui ne fait que commencer pour moi.
Avant de monter sur scène...
... je suis nerveux·se et peu sûr·e de moi. Surtout quand je vois toutes les autres personnes incroyablement talentueuses qui m'entourent.
Dans les bals, je me sens...
... comme ivre.
Quel est ton maquillage préféré ?
Les couleurs de la marque argentine « Holzer ».
Que signifie la beauté pour toi ?
Tout comme la binarité des genres, la beauté est une construction sociale à laquelle je ne peux malheureusement pas me soustraire. Mais j'essaie de ne pas trop me laisser influencer par l'esthétique faussée des filtres Instagram. À mes débuts en tant que drag queen, je pensais : oh non ! Comment peut-on encore distinguer la structure de ma peau sous le maquillage alors que je viens d’y passer quatre heures ? Tout simplement parce que la peau a une structure. Et ça n’est pas grave si on la voit, c’est humain.
Dans le format court « Dix questions à... », j'interviewe des personnes passionnantes. Tantôt sur leur expertise, tantôt sur leur passion ou leur mode de vie. Des personnalités et des sujets différents.
Photos : Rico / La RicaEn tant que fan de Disney je vois toujours la vie en rose, je vénère les séries des années 90 et les sirènes font partie de ma religion. Quand je ne danse pas sous une pluie de paillettes, on me trouve à des soirées pyjama ou devant ma coiffeuse. PS Le lard est un de mes aliments favoris.