
Guide
Conseils d’équipement pour Backyard Ultras et courses longues
par Siri Schubert
« Ils sont fous ? » me trotte dans la tête la première fois que j’entends parler du Backyard Ultra de Hallwil. Une course sans but, qui dure des heures ou des jours. Sur un circuit que vous pouvez parcourir autant de fois que vous le souhaitez. Celui ou celle qui tient le plus longtemps gagne. Cela semble si fou que je dois m’inscrire.
Le hasard fait parfois bien les choses. En écoutant l’autoradio, j’apprends que le Backyard Ultra Hallwil, une compétition de course à pied, se déroule juste à côté de chez moi.
Je dresse l’oreille. Pardon ? Une course sans ligne d’arrivée, qui dure des heures ou des jours ? La personne qui finit le dernier tour seule gagne ?
Exactement ! Lors d’un Backyard Ultra, vous avez une heure pour parcourir 6,706 kilomètres. À chaque heure pleine, les coureurs et coureuses se rassemblent à nouveau sur la ligne de départ. Celui ou celle qui en a marre ou qui ne termine pas le tour dans les 60 minutes est éliminé. « Ça pourrait être vraiment cool ou vraiment horrible », me dis-je. Qu’à cela ne tienne, le concept est assez curieux pour mériter d’être testé.
Je m’inscris 3 jours à peine avant le début de la course. Pas le temps pour un entraînement ciblé ou une phase de récupération suffisante. Il ne me reste plus qu’à espérer que mes jambes se soient quelque peu régénérées du Wings for Life World que j’ai couru quelques jours auparavant.
Jusqu’à présent, mes courses les plus longues faisaient entre 30 et 36 kilomètres. Je n’ai jamais couru de marathon, et encore moins un ultra, c’est-à-dire une course qui dépasse la distance du marathon.
Je n’ai donc aucune idée de ce qui m’attend au Backyard Ultra. Heureusement, on trouve facilement sur Internet des conseils sur la nourriture et l’équipement à emmener. Si vous voulez savoir comment j’ai procédé et les leçons que j’en ai tirées, je vous invite à consulter mes recommandations.
Le Hallwil Backyard Ultra est limité à 50 coureurs et coureuses. Une fois sur place, je suis séduite par l’atmosphère conviviale qui règne avant le départ. Un coureur partage sa stratégie avec moi : pas de pauses trop longues pour ne pas se refroidir, marcher de temps en temps lors des petites montées et manger quelque chose à chaque pause.
Je fais la connaissance des cousines Samara et Anja en installant mon poste de ravitaillement dans le gymnase. La sœur de Samara, Tanja, me propose de me soutenir également, car je n’ai pas d’équipe de soutien. Ouah, tant d’esprit d’équipe, de gentillesse et de chaleur humaine ! Tout au long de la journée, je me laisse porter sur une vague interminable d’allégresse ponctuée par les rencontres et les conversations que je fais pendant la course.
L’esprit de communauté est au cœur de l’évènement. Certes, beaucoup se sont fixé un objectif de temps ou de tour, mais au fond, il s’agit de courir ensemble, de rire et de se dépasser soi-même à la fin.
Je pense vraiment ce que je vous écris dans ces quelques lignes. Comme tout le monde part au même moment une fois par heure, un sentiment de communauté s’installe. Personne ne court en solo et les écarts ne se creusent jamais bien longtemps. « Pour courir des distances vraiment longues, il faut que d’autres personnes suivent le mouvement, explique la directrice de course Kathrin Buff, car dès qu’un coureur ou une coureuse achève un tour solo, la course prend fin. »
Le coup d’envoi est donné. L’envie de se précipiter est là, mais je suis les conseils que l’on m’a donnés et j’y vais doucement. La conversation s’engage rapidement avec les autres coureurs et coureuses. Nous parlons de nos chaussures de course préférées et de celles que nous détestons le plus, de superbes parcours d’entraînement et de la course de nuit sous les étoiles.
Samara m’apprend qu’elle est originaire de Suisse, mais qu’elle vit au Botswana depuis 2001. Elle y a terminé son premier Backyard Ultra en dix tours. Aujourd’hui, son objectif est de faire mieux que ce résultat et de partager une belle expérience de course avec sa cousine Anja, qui court son premier Backyard Ultra.
Plus tard, Samara ajoute qu’elle a déjà couru le marathon du Serengeti en Tanzanie, ainsi que le Salt Pans Ultra de 100 kilomètres au Botswana, plus exigeant, qui traverse des déserts de sel et la savane herbeuse sous une chaleur extrême. Waouh.
Et voilà, le premier tour est déjà terminé. Puis le deuxième. Et ainsi de suite. Le temps et les kilomètres s’envolent. J’apprécie de plus en plus les pauses entre les tours. Les organisatrices ont mis en place un buffet avec des snacks sucrés et salés et, plus tard, des repas chauds. En effet, si l’on souhaite courir de longues distances, il est nécessaire de s’alimenter en permanence en énergie.
La course de Hallwil fait partie de la série de courses The Last Lap (le dernier tour) ou TLL, avec des épreuves à Goldach, Varen, Jegenstorf, Lugano et Interlaken.
Elle a été créée par Marco Jaeggi, lui-même un coureur d’ultra passionné, qui a notamment participé au Marathon des Sables, à l’Eiger Ultra Trail et à la plus longue course du monde dans le désert, qui s’étend sur 1200 kilomètres non-stop à travers le désert de Mauritanie. En 2024, il a décroché l’une des rares places au départ du marathon de Barkley, l’une des courses d’endurance les plus difficiles au monde. Seules 20 personnes, dont une femme, ont réussi à terminer cette course depuis sa première édition il y a environ 40 ans.
L’inventeur du marathon Barkley et du format Backyard Ultra est l’Américain Gary Cantrell, plus connu sous le nom de Lazarus Lake (lien en anglais). Dans les cercles ultra, il est une légende. On le décrit tantôt comme un « génie malfaisant », tantôt comme le « Léonard de Vinci de la douleur ». Il a fixé la longueur du Backyard Ultras à 6,706 kilomètres (4,167 miles) pour que 24 tours équivaillent à 100 miles (160,93 kilomètres).
L’avantage de ce format est que personne n’est obligé de parcourir des distances extrêmement longues. Vous décidez quand cela s’arrête : après un, cinq ou plus de 100 tours. C’est d’ailleurs à 116 tours qu’est fixé le record du monde actuel, réalisé par le coureur polonais Lukasz Wrobel, qui a parcouru plus de 777 kilomètres en boucle.
Les Backyard Ultras ont désormais lieu dans 70 pays à travers le monde. Ils conviennent aux personnes débutantes en course à pied comme aux professionnelles. En Suisse, la série de courses The Last Lap n’est pas seule, il y a aussi le Witiker Backyard Ultra, qui en est à sa sixième édition cette année, ainsi que le Easter Backyard Ultra, le Helvetia Backyard Ultra à Oberwil-Lieli, le Ettinger Backyard Ultra et le Backyard Ultra Chur. De plus, d’autres évènements uniques dans le même format étoffent ponctuellement cette liste.
J’ai fait mes cinq premiers tours : plus de 33 kilomètres. Je suis encore en forme et je prends part aux conversations. Cela me détend de savoir que je peux arrêter ou continuer à courir à tout moment. Il faut dire que j’ai commencé sans attentes ni objectif précis.
Enfin bon, les pauses me paraissent être de plus en plus courtes. Je remplis ma gourde, change de chaussettes et de chaussures, et grignote quelque chose. Avant le coucher du soleil, tous les coureurs doivent mettre une lampe frontale et un gilet fluorescent, cela sera contrôlé au départ.
Avant la course, je me demandais si je n’allais pas mourir d’ennui à emprunter toujours le même parcours, mais comme je cours toujours avec des personnes différentes, chaque tour est intéressant. J’apprécie la petite montée notable qui annonce la ligne d’arrivée en approche.
Le parcours, qui passe devant le château de Hallwyl, me plaît aussi. Je ne suis pas la seule. « Magnifique, avec la forêt, le ruisseau, les vaches au bord du chemin et les champs en pleine période de floraison », observe Samara.
Je me réjouis de voir le soir arriver pour qu’il fasse un peu moins chaud et que la nuit tombe, car j’aime courir dans l’obscurité. Je pense aussi à la prochaine pause, pendant laquelle je mangerai quelques cuillères de riz au lait avec des baies. J’ai hâte d’enfiler des chaussettes propres et un t-shirt sec.
J’en suis maintenant au huitième tour. J’ai dépassé la barre magique des 50 kilomètres et je me trouve dans la zone ultra. Je ne m’y attendais pas. Après neuf tours et 60,2 kilomètres, je décide que c’est fini pour moi.
Je n’ai pas repoussé mes limites, mais j’ai vécu une expérience de course formidable, en parcourant une distance de jogging inédite pour moi. Peut-être que lors du prochain Backyard Ultra, je prendrai le départ avec un objectif plus ambitieux, mais pour aujourd’hui, cela me convient.
Alors que je plie bagage, la course continue. Samara et Anja vont encore bon train. Pour son premier, Anja terminera à 14 tours (93,88 kilomètres), tandis que Samara établira un nouveau record personnel avec 16 tours (107,29 kilomètres).
Il ne reste plus que cinq coureurs dans la course à partir du 17e tour. À partir du 22e tour, ils ne sont plus que deux : l’ultra expérimenté Thomas Lauber et le nouveau venu Alessio Aretano. La force mentale joue un rôle décisif. Alessio, le plus jeune participant de la course à 21 ans, m’avait dit plus tôt, lors d’un tour ensemble, que son objectif pour son premier Backyard Ultra était de 25 tours. « Respect », ai-je pensé.
Alessio franchit la ligne d’arrivée après avoir parcouru plus de 100 miles (plus de 167,6 kilomètres). « C’est surréaliste, je ne pensais pas que je pourrais gagner contre des coureurs aussi expérimentés », s’exclame-t-il, rayonnant. Il y a aussi eu des moments difficiles. Le manque de sommeil pendant la nuit et les jambes lourdes l’ont fait souffrir. Son attitude et son état d’esprit lui ont permis de courir encore un tour, jusqu’à la victoire.
Avec un temps total de 25 heures, la première édition d’Hallwil est une course Backyard Ultra assez courte, car le nombre de tours réalisés est souvent plus élevé. Disons que la qualité compte autant que la quantité, et c’est là que le Backyard Ultra Hallwil a marqué des points.
Plongeuse scientifique, instructrice de SUP, guide de montagne... même si les lacs, les rivières et les mers sont mes terrains de jeu favoris, je ne me laisse pas porter par le courant, car j'ai encore beaucoup à apprendre et à découvrir. J'aime aussi prendre de la hauteur et changer de perspective en volant avec des drones et en faisant du trail.