
En coulisse
L'homme aux 15 000 jeans : "Je ne lave jamais mes denims".
par Vanessa Kim
En faisant le tri de son armoire, il faut bien réfléchir à ce qu'il va advenir de nos vieux habits. Une étude démontre que dans certains cas, le reconditionnement et la location d’un habit polluent plus que de le jeter.
La durabilité a fait sa place dans le secteur de la mode. Toutes les entreprises de mode se mettent au vert et les mots clés tels que « reconditionnement » et « location » sont dans toutes les bouches. Cela dit, à quel point ces modèles d’entreprise sont-ils vraiment durables ? Des chercheurs de l’Université finlandaise LUT se sont posé la question. Pour leur étude publiée dans la revue « Environmental Research Letters », ils ont calculé les émissions de gaz à effet de serre en lien avec différents comportements de consommation de la mode. Jarkko Levänen et son équipe ont constaté que la location (et ensuite le recyclage) de vêtements a l’impact climatique le plus négatif selon la situation.
Acheter, porter, jeter : voilà comment fonctionne le système linéaire de la mode. L’économie circulaire aimerait casser ce système afin d’augmenter la durée de vie des vêtements, de réduire la quantité de déchets et de baisser la consommation de matières premières. Le but de cette approche est de porter les vêtements le plus longtemps possible avant de les recycler. De cette manière, le plus de matières premières possible peuvent être réutilisées dans le processus de production afin d’augmenter leur utilisation et celle des ressources sur le long terme. Voilà pour la théorie. En pratique, c’est souvent différent. En effet, il arrive souvent que les entreprises de mode prennent en charge qu’un petit aspect de ce système circulatoire prometteur pour faire de l’écoblanchiment. Le recyclage et la possibilité de louer des vêtements constituent la promesse la plus courante dans ce contexte. Les chercheurs ont comparé cinq cycles de vie différents d’un jean et calculé le potentiel de réchauffement planétaire pour chacun d’entre eux.
Pour l’étude susmentionnée, le début du cycle d’un jean se déroule toujours de la même manière : tout d’abord, le pantalon est produit et expédié à l’étranger par bateau. Ce qui se passe ensuite avec le jean est déterminant, car, une fois que vous l’achetez ou le recevez, vous avez le contrôle sur sa durée de vie. Vous pouvez soit le porter durant un temps avant de le jeter, de le louer ou de le recycler, soit l’user jusqu’à la corde. La seconde option est toujours la meilleure.
Si l’on part du principe que vous vendez votre pantalon à une friperie après l’avoir porté pendant longtemps et que quelqu’un d’autre le porte ensuite sur une longue période, les émissions de CO₂ seront beaucoup moins élevées que si le jean est loué à plusieurs personnes. C’est le cas, car le transport permanent du pantalon génère beaucoup d’émissions de CO₂. Par exemple, si l’on part du principe que le jean est loué 10 fois par an, sur 50 ans, ce processus aura lieu 50 fois plus souvent que s’il est revendu dans un magasin de seconde main. Ainsi, chaque location supplémentaire augmente l’empreinte écologique. En revanche, cette dernière reste la même lorsque le pantalon passe simplement d’une personne à une autre.
C’est la même chose pour le reconditionnement. En effet, ce n’est pas parce que les textiles se recyclent que c’est une excuse pour s’en débarrasser plus vite. Bien au contraire. Selon l’étude susmentionnée, le processus de reconditionnement industriel génère une grande quantité de CO₂. Ainsi, dans le même laps de temps, il est préférable de porter longtemps un pantalon avant de le jeter que d’acheter cinq paires et de les recycler. Pour faire court, le cycle de vie d’un pantalon porté longtemps et qui n’est pas recyclé est moins polluant que cinq cycles avec recyclage. Le recyclage ne veut pas dire que vous avez carte blanche pour succomber à vos péchés de consommation. Inversement, un long cycle de vie avec recyclage est bien mieux que cinq cycles courts sans recyclage.
Avec leur étude, les chercheurs ne veulent en aucun cas diaboliser les technologies de recyclage. Ils font remarquer qu’elles doivent être davantage optimisées pour vraiment orienter les efforts en faveur de la durabilité dans la bonne direction. Les chercheurs concluent qu’un comportement de consommation réfléchi est la clé pour une plus grande durabilité. Dans le monde de la mode rapide, où une collection en chasse une autre, beaucoup d’entre nous (ne) sont (pas encore) prêts à faire des sacrifices. Et, c’est là où le bât blesse : le secteur de la mode ne pourra devenir plus écologique que lorsque les consommateurs consommeront de manière réfléchie et quand les entreprises produiront moins.
En parlant de consommation, la question fondamentale est de savoir qui doit changer son comportement pour changer la situation dans son ensemble. D’un côté, le secteur de la mode dit faire uniquement ce que les clients veulent et ces derniers veulent constamment des vêtements neufs, de l’autre, les consommateurs sont d’avis que si les fabricants cessaient de produire autant de produits bon marché, les gens achèteraient automatiquement moins. Le problème est donc que tant que l’on peut rejeter la responsabilité sur les autres, on a une excuse pour ne pas devoir modifier son propre comportement. Cela dit, force est de constater que chacun ne peut qu’influencer son propre comportement. Une consommation réfléchie est de plus en plus répandue, et ce non seulement pour les vêtements. Pour revenir encore une fois au jean, un pantalon de bonne qualité tient presque éternellement. Selon l’expert en jean Ruedi Karrer, « moins vous le lavez, mieux c’est ». Découvrez ici pourquoi il ne se résoudrait « jamais » à laver un denim :
Quand je ne suis pas en train d'explorer les océans, je plonge avec bonheur dans l'univers de la mode. Toujours à l’affût des dernières tendances dans les rues de Paris, Milan et New York, je vous montrerai comment arborer ces habits de podium dans la vie de tous les jours.