Marvel Studios
Critique

« Les Quatre Fantastiques » : le MCU redevient enfin fantastique

Luca Fontana
22/7/2025
Traduction: Anne-Salomé Evéquoz

Ils constituaient le cœur de Marvel, avant même que l’univers n’existe. Une famille de chercheurs, de nerds, de rêveurs. Les Quatre Fantastiques sont de retour et avec eux revient l’émerveillement dans l’univers cinématographique de Marvel.

Pas d’inquiétude : la critique qui suit ne contient pas de spoilers. Je ne vous dévoilerai pas plus que ce qui est déjà connu et à voir dans les bandes-annonces. « Les Quatre Fantastiques : Premiers pas » est sorti en salle le 24 juillet 2025.

Il fut un temps où les Quatre Fantastiques définissaient Marvel. Point final. Lorsque Stan Lee et Jack Kirby les ont créés en 1961, il ne s’agissait pas simplement du début d’une nouvelle équipe de superhéros. Ce fut un véritable big bang. Le début de tout, sans qui il n’y aurait jamais eu ni Spider-Man, ni Iron Man, ni rien du tout. Ils représentaient le visage de Marvel, sa base, et ce durant toute une décennie.

Bariolés et méconnaissables : les anciens Quatre Fantastiques des années 1960.
Bariolés et méconnaissables : les anciens Quatre Fantastiques des années 1960.
Source : Marvel Comics

Contrairement à Superman ou à Batman de DC, les Quatre Fantastiques ne suivaient ni code de héros rigide ni idéal excessif. Ils n’étaient pas des icônes qu’on vénérait, comme les personnes dans le nouveau film Superman. Ils n’étaient qu’une « simple » famille. Dysfonctionnelle, belliqueuse, mais profondément attachante. Ils se sont rassemblés, ont échoué ensemble et se sont relevés. C’est précisément ce qui les rendait aussi particuliers : ils avaient l’air d’être humains, tout proches de nous.

Et maintenant ? Ils sont enfin arrivés dans le MCU. Dans un monde rétrofuturiste des années 1960, aussi fantaisiste et vivant que leurs meilleures aventures en bande dessinée, et, en même temps, aussi vaste, cosmique et existentiel que l’univers Marvel lui-même. « Les Quatre Fantastiques : Premiers pas » représente la première adaptation cinématographique qui a compris de quoi il s’agit vraiment et constitue le meilleur film Marvel depuis des années.

Un monde fantastique

Au bout d’à peine cinq secondes, on comprend que « Les Quatre Fantastiques : Premiers pas » ne se déroule pas (encore) dans notre univers cinématographique de Marvel. En tout cas pas dans celui qui semble s’effondrer depuis la saga Infinity. Ce film nous emmène sur la Terre 828, une réalité alternative, dans laquelle les années 1960 ne se trouvent pas dans le passé, mais dans le futur. Un monde quelque part entre Jules Verne et Tomorrowland. Certes rétro, mais aussi visionnaire. Ce n’est pas ringard, mais audacieux.

Et c’est ici que la famille fantastique vit. Depuis quatre ans déjà, Reed, Jane, Johnny et Ben sont des scientifiques célèbres, des chouchous des médias et des superhéros. Comment en sont-ils arrivés là ? Cela est expliqué dès le début avec un montage croustillant et élégant. Le film ne répète pas de vieilles erreurs. Pas de construction tenace. En revanche, l’accent est clair : les Quatre Fantastiques forment une équipe depuis longtemps et le film ne perd pas de temps à nous montrer pourquoi cela est si important.

En effet, ce qui se passe ensuite est plus grand que tout ce qu’ils n’ont jamais vécu : une héraldesse d’argent vient proclamer la fin de toute existence. Et l’arrivée d’un dieu dans le cosmos de Marvel, plus ancien que l’univers lui-même : Galactus.

Un film Marvel comme « Star Trek »

Ce n’est donc visiblement pas une mince affaire. Cela dit, même dans les bandes dessinées, les Quatre Fantastiques n’ont jamais été de simples superhéros. Ils étaient chercheurs, scientifiques, frontaliers et explorateurs, poussés par la curiosité et pas seulement par le devoir. Leurs aventures les ont menés à affronter des méchants, à passer dans différentes dimensions, à faire des sauts temporels et à visiter des galaxies. Et c’est précisément cela qui leur a valu la réputation d’être le Star Trek de l’univers Marvel.

Une comparaison qui pourrait surprendre toutes les personnes qui ne connaissent leur histoire qu’à travers les films sortis jusqu’à ce jour, car ces derniers montrent très peu de tout cela.

La science-fiction des années 1960 revient enfin chez les Quatre Fantastiques.
La science-fiction des années 1960 revient enfin chez les Quatre Fantastiques.
Source : Marvel Studios

Premiers pas, en revanche, est un retour à ces mêmes racines. Plus encore : c’est une déclaration d’amour à celles-ci. Le film ne se déroule pas par hasard dans les années 1960. Il s’agit précisément de l’époque où Stan Lee et Jack Kirby ont imaginé la famille fantastique. Cela ressemble à un hommage, mais c’est bien plus que ça : c’est un acte de libération créative.

Cette époque rétrofuturiste ne fait pas que s’épanouir sur Terre 828, elle est carrément en plein boom. Elle est bruyante, colorée, fantaisiste et vivante. Un monde plein de technologie à la Jetsons, d’engins volants couleur bonbon et de curiosité scientifique qu’on aimerait pouvoir toucher. Un monde qui vit sur l’écran IMAX.

« À quel point le look doit-il être charmant ? » – « Oui. »
« À quel point le look doit-il être charmant ? » – « Oui. »
Source : Marvel Studios

Et tout comme dans la bande dessinée, la famille se retrouve bientôt là où elle doit être : dans l’espace. Après tout, les Quatre ne sont pas seulement des génies en blouse, mais aussi des astronautes. Des pionniers de l’inconnu. Bien entendu, les films précédents le prétendaient aussi, même la version ratée de 2015, enfin à moitié. Dans ce film, l’espace n’était qu’un catalyseur de l’histoire pour expliquer leurs pouvoirs. Dans Premiers pas, il s’agit d’une promesse qui sera honorée.

En effet, très vite les Quatre voyagent à travers des mondes étranges, découvrent de nouvelles formes d’existence et rencontrent avec Galactus un mythe de bande dessinée qui dépasse non seulement leur imagination, mais aussi nos fantaisies les plus folles. Galactus n’est toutefois pas introduit par une exposition grossière, mais par un émerveillement, avec des images qui font penser à la fois à Interstellar et à la franchise Alien : des espaces-temps déformés, une physique étrange, une solitude cosmique. Le film contient des mouvements de caméra qui osent parfois se figer avant de tout faire éclater dans des images fracassantes.

Croyez-moi, il ne s’agit de loin pas du plus fou que « Les Quatre Fantastiques : Premier pas » offre au niveau visuel.
Croyez-moi, il ne s’agit de loin pas du plus fou que « Les Quatre Fantastiques : Premier pas » offre au niveau visuel.
Source : Marvel Studios

Le plus fascinant est que Premiers pas ne fait pas de mystère sur ses origines. Lorsque, dans une scène, l’homme-taupe et son robot attaquent Manhattan et que, dans la suivante, la surfeuse d’argent annonce la fin de toute existence, ce n’est pas incohérent, c’est du Lee et du Kirby à l’état pur. C’est Les Quatre fantastiques.

C’est du cinéma de bande dessinée cosmique à l’état pur.

Bien plus qu’une équipe : une famille

Aussi grand que soit le spectacle, Les Quatre Fantastiques : Premier pas reste avant tout un film qui parle de quatre personnes qui ne se contentent pas de combattre ensemble, mais qui vivent ensemble. Des personnes qui s’aiment, qui se disputent, qui se taquinent, qui s’énervent, mais qui se font confiance aveuglément. C’est exactement ce qui était aussi au cœur des bandes dessinées. Et enfin, un film parvient à le capturer réellement avec en premier plan Pedro Pascal et Vanessa Kirby en tant que Reed Richards et Jane Storm.

Quel couple puissant. Ils portent ce film avec tant de charme, de force et de chaleur mutuelle que cela semble presque outrageusement facile. Dès le premier instant, je n’ai pas eu de doute qu’ils étaient mariés, qu’ils traversent main dans la main la vie... et l’univers. Qu’ils se disputent parce qu’ils se comprennent, et qu’ils se comprennent parce qu’ils se connaissent.

Si le maître d’œuvre du MCU Kevin Feige est assez malin, il laissera ces deux-là porter les nouveaux Avengers.
Si le maître d’œuvre du MCU Kevin Feige est assez malin, il laissera ces deux-là porter les nouveaux Avengers.
Source : Marvel Studios

La Jane Storm de Kirby n’est pas seulement le cœur même de l’équipe, elle en constitue aussi l’épine dorsale morale, alors que le daddy d’Internet (Pedro Pascal) incarne parfaitement le côté nerd de Reed Richards tout en le jouant avec dignité et un humour qui semblent sincères même dans les pires moments. Ce couple ne constitue pas simplement les parents de cette famille de superhéros, mais aussi le cœur émotionnel du film et peut-être le couple le plus fort que le MCU n’a jamais vu.

Toutefois, ce que ce film fait vraiment ressortir, surtout en comparaison avec le nouveau Superman, c’est sa capacité à raconter beaucoup de choses en peu de temps. En effet, en à peine deux heures, Premiers pas parvient à construire tout un monde, à présenter des personnages, à imaginer des conflits et à raconter une aventure cosmique, et ce sans aucune précipitation. Tout s’imbrique, tout se développe en même temps. Le film n’a pas peur d’aller vite, mais sans stress. Il s’agit d’un exemple de narration avec une vue d’ensemble et avec confiance en sa propre vision et en son public.

Même H.E.R.B.I.E., le robot domestique, possède plus de caractère et procure plus de moments attendrissants que le chien Krypto dans « Superman ».
Même H.E.R.B.I.E., le robot domestique, possède plus de caractère et procure plus de moments attendrissants que le chien Krypto dans « Superman ».
Source : Marvel Studios

En revanche, Superman a montré il y a deux semaines comment on ne doit pas le faire. On aurait dit une mixtape d’un univers qu’on n’a jamais connu. Un changement constant entre action, métagags, pathos, pseudopolitique et monstre blobs. À peine une pensée apparaissait qu’un autre revirement survenait. C’est comme si James Gunn avait peur de perdre son public s’il faisait taire ses personnages. Il n’y a donc jamais de silence. Et si exceptionnellement c’est le cas, Gunn riposte aussitôt avec une remarque nulle.

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Premier Pas ose prendre plus de risque. Le film ose laisser flotter les émotions et agir ses personnages. Et aussi brider la densité des gags. Il y a certes de l’humour, charmant et fantaisiste, toutefois il ne vient pas du scénario, mais des personnages, des regards, des situations et de la chimie. Marvel a enfin de nouveau des actrices et acteurs à qui on fait confiance pour maîtriser la chose, sans devoir écrire chaque gag dans le scénario.

Une musique qui crée une cohésion

Il ne faut pas oublier la musique. Michael Giacchino. L’homme qui a déjà composé pour Pixar, Star Wars, La Planète des singes et Batman et qui parvient encore à surprendre. Dans ce film aussi. Les Quatre Fantastiques : Premier pas ne représente pas seulement un retour triomphant pour les personnages, mais également pour ce qui est de la musique. En effet, Giacchino ne s’est pas contenté de composer un thème sympathique avec quelques variations. Il s’agit d’une cohésion, d’une structure, d’une carte émotionnelle. Une musique colorée, pleine de facettes, et complexe. Tout simplement...

...euphorique.

Je vous le promets. La partition porte le film, des moments charmants et légers tout comme de ceux plus existentiels. La musique danse lorsque Reed et Jane se chamaillent. Elle s’enflamme lorsque Johnny s’élance dans les airs. Elle gronde quand Galactus s’approche. Et elle se veut réconfortante quand la famille menace de se briser.

La musique n’est pas envahissante, aucune note ne prétend être autre chose qu’elle-même, et pourtant tout résonne. Il y a longtemps qu’un film Marvel n’avait plus aussi bien été pensé au niveau musical. Pas de tapisserie sonore générique, pas de grondement d’action interchangeable. Mais de véritables motifs reconnaissables. Une écriture à la main.

En écrivant cette critique, la musique résonne encore dans ma tête : « Bap bap bap bap – Faaaantastic Fouuuuur ! »

Bilan

Sans multivers, sans slapstick, enfin de nouveau avec du cœur

« Les Quatre Fantastiques : Premiers pas » est plus qu’un nouveau départ réussi. Il s’agit d’une véritable lettre d’amour adressée aux fondations de l’univers de Marvel. Une preuve que c’est précisément cette famille souvent ridiculisée qui a en elle ce qu’il faut pour rallumer le MCU. Sans gadgets du multivers. Sans ricanement permanent. Sans caméo forcé.

Mais plutôt avec des personnages qui ont du cœur, des images puissantes et de la musique avec une âme.

Dès les premiers plans, on sent ce bel optimisme des années 1960, quelque part entre le romantisme de Jules Verne et le rétrofuturisme de Fallout. J’adore. Aussi, car le film mise sur une atmosphère particulière, sur un ensemble adulte et sur de vraies émotions. Il voit grand tout en gardant une proximité. Il raconte une histoire de manière efficace, mais pas précipitée. Et il est touchant sans pour autant s’en excuser.

Le résultat est une aventure cosmique qui dans ses meilleurs moments capture ce qui naguère faisait l’essence du MCU : la curiosité, l’émerveillement et l’humanité. Est-ce que cela suffira à remettre Marvel sur les rails ? Qui sait. Dans tous les cas, il s’agit du meilleur premier pas qu’on pouvait souhaiter à cette famille fantastique. Et peut-être qu’il s’agit même du plus important.

Photo d’en-tête : Marvel Studios

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Vivre des aventures et faire du sport dans la nature et me pousser jusqu’à ce que les battements du cœur deviennent mon rythme – voilà ma zone de confort. Je profite aussi des moments de calme avec un bon livre sur des intrigues dangereuses et des assassins de roi. Parfois, je m’exalte de musiques de film durant plusieurs minutes. Cela est certainement dû à ma passion pour le cinéma. Ce que j’ai toujours voulu dire: «Je s’appelle Groot.» 


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