En coulisse

Kawasaki veut passer à l’électrique – mais ce n’est pas si simple

D’ici à 2035, Kawasaki veut construire uniquement des motos électriques. Enfin, pas tout à fait. Les marchés principaux continueront à être approvisionnés en moteurs à benzine. Cela s’explique par des raisons financières et d’infrastructure.

Kawasaki a annoncé que la marque passerait à l’e-mobility d’ici à 2035. Cela marque donc le passage à l’électrique dans le secteur des motos. Jusqu’à présent, les start-ups Energica et Zero dominaient ce marché, excepté quelques tentatives de fabricants établis tels que Harley-Davidson avec sa LiveWire.

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Toutefois, Kawasaki n’ose pas sauter le pas d’un coup. Dommage, car même si la moto fantastique présentée dans la vidéo ressemble à la Batcycle du film The Dark Knight et fait saliver tous les fans de motos, Kawasaki ne se lance à 100 % électrique qu’aux États-Unis, au Canada, en Europe, en Australie et au Japon. La marque japonaise continuera en revanche à fournir les autres marchés, en particulier l’Asie, en motos à moteur thermique.

Kawasaki, tout comme les autres grands fabricants de motos, ne mise pas tout sur les motos électriques pour différentes raisons : certaines limites techniques, des conditions socio-économiques et les conducteurs.

Le problème de l’Inde et Cie

La protection de l’environnement se rapproche de la réalité lorsqu’on parle de motos. L’Europe a beau être un grand marché de deux-roues, l’argent ne vient pas de là. Les plus grands marchés pour les motos sont :

  1. la Chine
  2. l’Inde
  3. l’Indonésie
  4. le Vietnam

C’est là que le plus d’argent est généré surtout grâce aux petites motos. La Hero Splendor constitue le modèle qui s’est le mieux vendu en Inde en 2020. Il s’agit d’une moto qui, selon le modèle, peut aller jusqu’à 125cc. Coût : 68 400 roupies indiennes, environ 840 francs. Pour des porte-monnaie d’Europe centrale et même pour l’Inde en fonction de la région et de son développement économique, il s’agit d’une bonne affaire.

Il existe donc un marché et des acheteurs potentiels. Toutefois, il manque un élément critique pour que les motos électriques puissent triompher : les chargeurs. Actuellement, 1800 chargeurs sont en réseau en Inde. Or, l’objectif à atteindre d’ici à 2026 est de 400 000 chargeurs. Ce plan paraît ambitieux. En effet, si le pays entame dès aujourd’hui la construction de stations de charge et que les ouvriers travaillent sept jours par semaine jusqu’au 31 décembre 2026, il faudrait que quotidiennement 210 stations soient installées et opérationnelles.

De toute évidence, pour ce qui est de la Chine et de l’Inde, Kawasaki n’y croit pas vraiment ou en tout cas pas dans un délai qui pourrait être économiquement maîtrisé. Ainsi, le fabricant japonais des séries Ninja, Z et H2 se garde le droit de poursuivre avec la benzine sur ses marchés clés.

En Suisse, nous avons une forte densité de bornes de recharge par 1000 habitants, mais, même ici, il est difficile de trouver des stations de recharge publiques en dehors des grandes villes. La carte de la meilleure appli de charge de Suisse montre que les distances entre les bornes sont encore bien trop grandes pour qu’on puisse parler d’un réseau dense. Au quotidien, avoir une voiture électrique ne pose pas trop problème. La moto électrique, en revanche, est une autre histoire, car cette dernière n’a pas autant de place qu’une voiture pour stocker une batterie et, ainsi, aura une autonomie bien plus petite. Par ailleurs, en fonction de la puissance du chargeur, il faudra compter avec une sacrée perte de temps.

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Si tous les chargeurs du réseau SwissCharge provenaient de la maison EvTec et possédaient une puissance de charge de 150 kW, il n’y aurait pas de problème. La batterie de la LiveWire de Harley-Davidson avec sa capacité de 15,5 kWh pourrait se charger en sept minutes, si on ne prend pas en compte la production de chaleur dans ce calcul théorique. Or, un chargeur de 7 kW – il en existe bien assez en Suisse – nécessiterait quant à lui plus de deux heures. C’est bien trop long.

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Le problème de la Ninja électrique

On sait depuis au moins deux ans que Kawasaki travaille sur des motos électriques. À l’époque, des plans sont sortis révélant qu’une Kawasaki Ninja électrique était en cours de conception.

Les idées n’ont pas l’air mauvaises. Contrairement à d’autres motos électriques sans embrayage ni boîte de vitesses qui démarrent simplement si vous tournez l’accélérateur, la Ninja électrique est censée imiter une boîte de vitesses. Apparemment, il devrait y avoir quatre vitesses et un point mort. Des Brevets ont montré que le frein régénératif doit être activé ou désactivé avec le pouce. De plus, les batteries devraient être remplaçables.

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Malheureusement, l’enthousiasme est retombé lorsque les spécifications ont fuité : la Ninja électrique aurait seulement droit à un pauvre moteur de 10 kW ou 13 chevaux. Autant vous dire que l’autonomie ne dépasserait pas 100 km. Ainsi, cette moto serait donc deux fois moins puissante que la plus faible bécane de Zero, la FXE.

Cela dit, les spécifications datent de 2019. Depuis, beaucoup de choses se sont passées et on ne sait pas si un prototype est prêt ou sur le point de l’être. L’annonce de Kawasaki est donc d’autant plus surprenante.

Des scooters silencieux

Pour terminer, abordons l’obstacle que constituent les conducteurs de deux-roues en Europe. Les motos électriques revêtent un intérêt particulier pour le grand public. En effet, lorsque je me déplace avec mon Energica Eva Ribelle en pleine ville de Zurich, je dois répondre à de nombreuses questions. Un jour, un homme sur une Harley-Davidson LiveWire m’a même arrêté à la sortie du parking souterrain pour me demander : « Elle vaut quelque chose ? »

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Le week-end, en revanche, on ne voit ni Energica, ni LiveWire. Au Ace Café, au Chevy’s Road Stop ou à tout autre repaire de motards, les moteurs des Harleys et des Ninjas vrombissent. On entend des phrases telles que « Oh, jamais une électrique n’entrera dans mon garage », « une vraie bécane doit avoir un son de bécane » ou encore « je n’ai pas envie de devoir recharger la batterie durant deux heures après juste une heure de route ».

La situation est totalement différente lorsqu’il s’agit d’engins assimilés à des véhicules et de scooters. Les motos électriques pratiques ont un tout autre public cible : il ne s’agit pas des motards du week-end qui partent dès le lever du soleil et ne rentrent qu’une fois la nuit tombée, mais bien des personnes qui sautent sur la selle pour aller au bureau tous les jours. Ou encore des étudiants qui peuvent économiser beaucoup d’argent de poche en rechargeant leur batterie pendant la nuit dans le garage familial au lieu d’acheter de la benzine. D’ailleurs, Kawasaki a l’air de prendre en considération l’idée de pouvoir sortir la batterie.

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Tous les conducteurs de scooters et les quelques motards qui ont de l’expérience avec l’électrique le savent : les moteurs électriques sur un deux-roues peuvent être très amusants. L’accélération linéaire est plutôt cool, on ne se lasse jamais de l’attraction plus ou moins infinie du newton-mètre et l’électricité est bien meilleur marché que la benzine.

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Mais je dois quand même avouer que le bruit du moteur me manque.

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Journaliste. Auteur. Hackers. Je suis un conteur d'histoires à la recherche de limites, de secrets et de tabous. Je documente le monde noir sur blanc. Non pas parce que je peux, mais parce que je ne peux pas m'en empêcher.


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