En coulisse

Jsotta: disparition et renaissance d'une marque suisse

Simon Balissat
30/8/2018
Traduction: Sophie Boissonneau
Photos: Thomas Kunz

Dans les années 60, Jsotta occupait le devant de la scène et n’avait rien à envier à Maggi ou à l’Aromat. Tout le monde connaissait le fameux vermouth de Zurich. Le nom Jsotta est aujourd’hui tombé dans l’oubli et l’on peine à l’associer au vermouth.

En Suisse, seul le fameux Martini est encore connu de tous. Comme les mouchoirs Tempo ou les notes autoadhésives Post-It, la marque italienne a réussi à imposer son nom. Jsotta aussi à l’époque. La marque a connu son heure de gloire dans les années 50 et 60, les machines de Lateltin AG tournaient alors à plein régime et remplissaient un demi-million de bouteilles du précieux liquide par an. Les publicités vantant les qualités de l’apéro zurichois étaient partout. Alors que la boisson était produite à Zurich, l’étiquette était en italien. Monsieur et Madame Suisse pouvaient ainsi montrer leur sophistication. Ironie du sort, c’est aussi cette volonté de paraître cosmopolite qui a mené la marque à sa perte. Dans les années 70, les Suisses voulaient servir des boissons étrangères à leurs invités. Le vermouth devint de moins en moins populaire. La production chuta. En 1999, la modification de la loi pour taxer les alcools étrangers à même hauteur que les alcools suisses porta le coup de grâce et signa l’arrêt de mort de Jsotta… Pour l’heure en tout cas.

Les machines remarchent.
Les machines remarchent.

Think global, drink local

Lateltin AG a quitté Zurich pour s’installer à Winterthour et dans ses halls, on entend à nouveau le bruit des bouteilles qui se remplissent. Martin Strotz, directeur, veille au grain et a dû repousser notre rendez-vous à plusieurs reprises. Jsotta n’est effectivement que l’un des nombreux nectars mis en bouteille à Winterthour. D’autant plus que nombre de ses collaborateurs sont actuellement en vacances, il faut savoir rester flexible, nous dit-il. Un employé pose délicatement une bouteille sur le tapis roulant: on envoie un rapide coup d’air compressé pour la nettoyer, puis la bouteille est automatiquement remplie de Jsotta et bouchée. Un robot colle ensuite les étiquettes sur la bouteille juste avant que la bouteille passe à nouveau entre les mains expertes d’un employé. La machine ne peut appliquer le label de qualité qui a changé de format. Le petit autocollant doré est désormais apposé à la main. Jsotta a raflé des récompenses et les clients doivent être au courant. Cela demande certes un peu de travail, mais après tout, c’est grâce à son travail acharné que la marque a obtenu cette récompense.

Le directeur Martin Strotz me montre la production Jsotta.
Le directeur Martin Strotz me montre la production Jsotta.

La marque Jsotta a célébré son retour sur le marché il y a tout juste deux ans. Le vermouth est depuis lors produit exclusivement à partir d’herbes et de vin suisses suivant une version «modernisée» de la recette originale, explique Avi Pluznik, Brand Manager et dans l’entreprise familiale depuis trois générations. La marque a fait son retour au bon moment: de plus en plus d’entrepreneurs ingénieux se mettent également à produire ces vins épicés de l’autre côté de la frontière en Allemagne.

Le local à l’honneur: ces herbes suisses finiront dans le vermouth.
Le local à l’honneur: ces herbes suisses finiront dans le vermouth.

Quand la publicité pour l’alcool était encore de la publicité

C’est à contrecœur qu’Avi Pluznik, Brand Manager, a dû changer sa stratégie publicitaire. «Aujourd’hui la publicité pour l’alcool est strictement réglementée. À l’époque de mon grand-père, on pouvait beaucoup plus jouer sur la corde sensible», dit-il d’un ton qui me paraît un peu nostalgique. Du point de vue d’aujourd’hui, ces publicités semblent légèrement exagérées, nous n’y sommes plus habitués: ici par exemple, un clown chevauche une bouteille de Jsotta ou encore, un homme distingué ne se laisse pas envahir par le stress et boit une gorgée de Jsotta, au lieu de s’énerver parce que sa maison s’effondre. Ce genre de publicité est aujourd’hui non seulement interdite, mais aussi impensable. Mais la marque ne prévoit pour le moment pas de stratégie publicitaire adressée au consommateur final: sa boisson sera d’abord vendue à des professionnels. Les barmen suisses adorent cet apéro et inventent toujours plus de cocktails avec du Jsotta (en allemand). Certes, le vermouth est aussi très bon pur avec de la glace ou même avec un peu de Tonic, mais il est aussi délicieux en cocktail, par exemple dans un classique Negroni où il est mélangé avec du gin, du Campari et des écorces d’orange.

Avi Pluznik, troisième génération dans l’entreprise familiale
Avi Pluznik, troisième génération dans l’entreprise familiale
Travail minutieux: l’étiquette de la récompense ne pouvait être apposée par la machine.
Travail minutieux: l’étiquette de la récompense ne pouvait être apposée par la machine.

Même si les choses s’améliorent, Jsotta ne pourra certainement pas atteindre ses records de production passés. Mais c’est déjà super d’avoir de nouveau une version suisse pour changer du classique Martini. Oui, l’apéro suisse est plus cher que son cousin italien, mais je trouve qu’il est aussi clairement meilleur. Dans l’usine de Winterthour, il faut moins de deux heures pour remplir les bouteilles. Un robot palettiseur empile les cartons remplis de bouteilles de Jsotta et soulage ainsi le dos des employés. Les palettes quitteront ensuite l’entrepôt dans la semaine pour être vendues à des bars ou grossistes dans toute la Suisse. Et qui sait? Le vermouth de Jsotta va peut-être faire un retour en force et imposer son nom, jetant ainsi la concurrence italienne aux oubliettes…

Jsotta Vermouth Rosso (18 ans, 17 %, Suisse, 1 x 75 cl, Vermouth)
Apéritif
CHF22.40 CHF29.87/1l

Jsotta Vermouth Rosso

18 ans, 17 %, Suisse, 1 x 75 cl, Vermouth

Jsotta Vermouth Bianco (18 ans, 17 %, Suisse, 1 x 75 cl, Vermouth)
Apéritif
CHF21.50 CHF28.67/1l

Jsotta Vermouth Bianco

18 ans, 17 %, Suisse, 1 x 75 cl, Vermouth

Une palette prête à être livrée.
Une palette prête à être livrée.

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Lorsque j’ai quitté le cocon familial il y a plus de 15 ans, je n’ai pas eu d’autre choix que de me mettre à cuisiner pour moi. Cela dit, il ne m’aura pas fallu longtemps avant que cette nécessité devienne une vertu. Depuis, dégainer la cuillère en bois fait partie intégrante de mon quotidien. Je suis un vrai gastronome et dévore tout, du sandwich sur le pouce au plat digne d’un restaurant étoilé. Seul bémol: je mange beaucoup trop vite. 

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