
Eliud Kipchoge: un homme tente de passer sous la barre des deux heures

Courir un marathon en moins de deux heures est, aujourd’hui encore, une ambition pour les coureurs dans le monde entier. Eliud Kipchoge, trois fois marathonien de l’année, a presque franchi cette limite mythique. Pourquoi franchir cette limite n’est plus qu’une question de temps et pourquoi le Kenyan reste à l’affût de la pole position – un portrait.
Jusqu’à ce jour, encore aucun coureur n’a réussi à faire 42 195 mètres en moins de 120 minutes. De nombreux professionnels ont relevé le défi sur plusieurs marathons dans le monde entier et ont échoué. Il ne manquait pas grand-chose, cela ne fait aucun doute: l’élite des coureurs masculins se rapproche à grands pas et n’est pas prête à abandonner. Surtout un certain Eliud Kipchoge, champion olympique 2016 à Rio de Janeiro et meilleur coureur longue distance en 2017. Courir en un tel temps commence dans la tête et non dans les jambes: « Si vous n’êtes pas maître de votre esprit, votre esprit vous maîtrisera.»
Tous les débuts sont faciles
Quand Kipchoge a fait ses adieux aux courses entre 1000 et 10 000 mètres, en 2013, une grande dose d’ambition, de discipline et de bonté a disparu des stades d’athlétisme de ce monde. Le jeune Eliud a établi de nombreux records, mais n’était jamais entièrement satisfait. Il s’est vu faire des choses plus grandes et s’est donc tourné vers les longues distances – avec le marathon comme discipline reine. «Marathonien un jour, marathonien toujours.» Cette phrase s’entend sans arrêt dans l’univers des coureurs. C’est comme une malédiction qui ne vous quitte plus. C’est certainement ce qui s’est passé avec Kipchoge quand il a remporté son premier marathon à Hambourg avec un temps de 2 heures, 5 minutes et 30 secondes. Le Kenyan s’est propulsé dans la presse internationale dès son premier marathon – un come-back sans adieu préliminaire.

Aller toujours plus loin
Dans la même année, il décroche une seconde place au marathon de Berlin qu’il termine en une minute et 25 secondes de moins que lors du marathon de Hambourg. Une année après son entrée grandiose, il en remet une couche (ou plutôt deux) avec une victoire à Rotterdam et Chicago. Une carrière exponentielle avec beaucoup de gloire et d’honneur, même s’il connaissait déjà tout ça de l’athlétisme. Arrivé à un sommet, Kipchoge commençait déjà à chercher le suivant... et l’a également escaladé sans problème.
No human is limited.
Il ne connaît pas de limite. Ce n’est donc pas surprenant de le voir agrandir son palmarès en 2015 avec une victoire à Londres et à Berlin. Une année plus tard, la victoire olympique à Rio de Janeiro lui permet de devenir le marathonien le plus accompli. Le petit Africain de 167cm de haut devient rapidement le plus grand. Et garde toujours les pieds sur terre. Dans chaque interview, il indique à quel point le cœur et l’esprit sont importants. Bien entendu, les jambes doivent aussi être en forme, mais la composante psychologique est souvent sous-estimée.

Le temps fort (actuel) d’une carrière très spéciale: champion olympique Eliud Kipchoge, 2016 à Rio de Janeiro.]]
Les deux heures encore jamais atteintes
Tous ces exploits n’ont pas empêché Kipchoge de participer à la tentative de record du monde sur le circuit de Formule 1 de Monza. Au contraire, ils l’ont poussé à devenir encore plus rapide. Le fabricant de chaussures de course Nike a fait naître le projet «Breaking2» et invité Kipchoge aux côtés de Lelisa Desisa et de Zersenay Tadese. Courir un marathon en moins de deux heures: le Kénian a sauté sur l’occasion et a passé la ligne d’arrivée après 2:00:25. Comme l’évènement de Nike n’a pas été reconnu comme une course officielle par l’IAAF, ce chronomètre est «seulement» considéré comme un record non officiel.
It's not about the legs, it's about the heart and mind.
Kipchoge s’en moque. Sa performance de classe mondiale lui a prouvé que battre la limite des deux heures est possible et qu’il ne s’en éloigne que de 25 petites secondes. La direction est la bonne, les jambes sont de la partie, le mental est prêt. La question n’est pas de savoir si Kipchoge va battre le record, mais quand.
S’entraîner encore et encore
À Monza, il n’a pas réussi à passer sous les deux heures. En tant que profane, 25 secondes semblent être peu. Chaque personne raisonnable se dit alors: mais, ce n’est même pas une seconde par kilomètre qu’il doit gagner pour passer sous la barre des deux heures. Mais si vous racontez cette théorie à un coureur, il vous regardera certainement avec lassitude. Sur les premiers kilomètres, courir une seconde plus rapidement n’est pas chose impossible. Mais, avec la fatigue croissante, la tâche devient plus difficile avec chaque kilomètre parcouru, et vraiment dure après 30, 35 ou 40 kilomètres.

Même si le mental est une grande partie de la bataille, ce dernier est aussi porté par les jambes. Et pour qu’elles fonctionnent, un entraînement précis, une préparation pénible et de nombreuses étapes d’innombrables kilomètres sont essentiels pour réussir. Même à Monza, le meilleur pilote ne sert à rien si son moteur ne fonctionne pas.
L’homme pour les grandes choses
Le projet Breaking2 et le temps chronométré ne sont pas comparables avec un marathon. Kipchoge serait entièrement d’accord avec cette affirmation. Lors d’un marathon, même pour les professionnels, ce n’est pas seulement le chronomètre qui compte. Les tactiques et le contrôle des adversaires jouent aussi un rôle décisif. On ne se bat pas seulement contre le chronomètre, mais aussi contre la concurrence. À Monza, la limite des deux heures était le seul adversaire de Kipchoges. Les coureurs à côté de lui – excepté Desisa et Tadese – étaient des lièvres. Des amis, des aides et des compagnons. Mais en aucun cas des concurrents.

Ce mélange fait s’éloigner un peu plus la limite magique qui semblait si proche. Mais Kipchoge ne se laisse pas décourager et continue de s’entraîner pour atteindre son but. Il réussit en même temps à montrer une facilité qui donne l’impression que ses courses sont des promenades de santé. Il est ouvert d’esprit, est issu d’origines modestes et a appris à savourer chaque jour et à profiter de la vie. Dans la vidéo ci-dessus, il dit: «Marathon is life». Pour lui, courir signifie vivre: «Tu ne sais jamais ce qui t’attend. Planifier un marathon est comme planifier ta vie. C’est impossible, ou du moins pas jusque dans les moindres détails. Et pourtant, j’essaie de me préparer à toutes les éventualités à chaque course.»

C’est justement la raison pour laquelle ce ne sera pas le dernier texte que vous lirez sur Eliud Kipchoge. Un regard dans le paysage médiatique du futur nous suggère déjà le gros titre suivant: «Il a réussi – Eliud Kipchoge est passé sous la barre des deux heures». Eliud Kipchoge, un petit homme au talent énorme.


Quand je ne suis pas en train de me bourrer de sucreries, vous me trouverez dans un gymnase: je suis joueur et entraîneur passionné d’unihockey. Quand il fait mauvais, je bidouille mon PC assemblé par mes soins, des robots et autres jouets électriques. La musique m’accompagne de partout. Les sorties VTT en montagne et les sessions de ski de fond intenses font aussi partie de mes loisirs.