
En coulisse
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par Michael Restin
Au Cambodge, Nicolas Huxley, originaire de Suisse, découvre de vieux sacs de ciment. C'est alors qu'une idée lui vient à l'esprit. Il fonde Elephbo, une entreprise qui transforme ce type de déchets en accessoires et baskets.
Nicolas Huxley, un Suisse d'origine australienne, effectue deux semestres à l'Université de Hong Kong pendant sa licence. Il veut passer son temps libre à découvrir l'Asie du Sud-Est. Jeune entrepreneur à la fibre sociale, il a toujours été plus fasciné par les pays en voie de développement que par l'Occident. Alors que d'autres se rendent en Amérique du Nord un guide à la main, lui préfère la randonnée dans des pays moins riches.
Son périple le mène au Cambodge, une contrée qui le captive d'emblée pour ses paysages, mais aussi pour l'état d'esprit de ses habitants : « en raison de la guerre civile, les Cambodgiens affichent un retard sur bien des aspects qu'ils doivent maintenant rattraper. Ce sont donc des gens motivés, travailleurs et ouverts aux nouvelles idées », explique Nicolas. Il sait tout de suite qu'il veut apporter quelque chose ici : « À cet instant, je ne savais pas encore exactement ce que ce serait. Ce devait être quelque chose ayant trait à l'aspect social, quelque chose me permettant de faire la différence et d'aider les gens. »
C'est par hasard qu'il découvre, dans des fossés, de vieux sacs de ciment portant un imprimé d'éléphant distinctif. Il se rend compte qu'ils font office de sacs à provisions pour les locaux. C'est à ce moment que l'idée lui vient à l'esprit. Il embarque une dizaine de vieux sacs de ciment dans sa valise et retourne en Suisse pour en faire quelque chose. Lorsqu'un ami se rend au Cambodge six mois plus tard, il lui demande de lui en rapporter 50 de plus.
Avec l'aide d'un designer de l'École suisse du textile, Nicolas développe enfin le premier prototype de sac. On est en 2011. Le processus de développement s'étend sur plusieurs années, puisqu'il poursuit en parallèle ses études de Master et travaille chez Ernst & Young pendant deux ans. C'est la raison pour laquelle sa marque de mode ne décolle que lentement. Mais en 2015, Nicolas se sent prêt à s'investir corps et âme dans sa société Elephbo : « Je ne me vois pas évoluer dans le monde des affaires sur le long terme. » Il quitte donc son poste de consultant chez EY et se rend au Cambodge pendant six mois pour y promouvoir ses activités. Il place toutes ses économies dans sa marque.
Lorsqu'on lui demande s'il est facile de trouver une personne de confiance sur place, l'homme d'affaires répond tout sourire : « Ma première rencontre avec un Cambodgien est un coup de chance ». Lors de son premier voyage au Cambodge, Nicolas partage un tuk-tuk avec quatre autres potes routards dans le centre-ville. En chemin, il fait la conversation au chauffeur, Komnit, qui sait tout sur tout et connaît tout le monde sur place. Ils restent en contact au fil des ans et deviennent partenaires d'affaires. « Il est pour moi un atout de taille, il travaille d'ailleurs toujours pour mon entreprise », déclare Nicolas. « Contrairement à 90 % de mes employés, Komnit parle anglais et khmer, cette dernière est la langue du pays. » Komnit n'est pas seulement son traducteur, il est aussi son intermédiaire auprès des personnes les plus importantes. Il distribue également les salaires aux employés de Nicolas – responsables sur place de tout le recyclage –, car ils n'ont pas de compte en banque. La confiance, c'est bien, le contrôle, c'est mieux : une fois par an, Nicolas se rend au Cambodge sans prévenir pour regarder ses employés travailler. Pour l'instant, il n'y a pas de quoi s'inquiéter.
Les mauvaises langues diront que le design d'Elephbo est similaire à celui de Freitag. Mais Nicolas le nie avec véhémence. Le concept en lui-même est complètement différent. Bien sûr, l'idée de durabilité n'est pas nouvelle, mais pour lui, ce qui importe plus, c'est la dimension sociale, l'engagement qu'il y a derrière tout ça. Il veut offrir des perspectives à la population locale grâce à un travail et un salaire, même sans avoir obtenu de diplôme ou appris de métier. Chez Elephbo, les employés apprennent à travailler les sacs de ciment correctement. Pour ce faire, ils n'ont pas besoin de formation sur mesure, car la finition a lieu en Europe.
« Je ne suis pas consumériste. » Nicolas Huxley.
La marque se distingue également des autres en matière de qualité : de nombreuses marques font certes la part belle au design, mais aux dépens des finitions. Avec Elephbo en revanche, l'idée était de créer un produit cool et social, à la fois adapté à un usage quotidien et de grande qualité », explique Nicolas. C'est un produit qui fera le bonheur de son propriétaire pendant longtemps. L'expédition des sacs de ciment vers l'Europe de l'Est après traitement génère des émissions de CO2, lesquelles sont neutralisées par un projet d'eau potable au Cambodge grâce à Climate Partner, auquel Nicolas recourt en Suisse aussi lorsqu'il prend la voiture de fonction pour se rendre à des réunions.
Parmi les meilleures ventes d'Elephbo, on retiendra le weekender et, en général, l'imprimé tigre vert. Mais c'est le motif de l'éléphant rouge qui donne son nom à la marque. Selon Nicolas, « Le premier sac de ciment que nous avons recyclé portait un motif d'éléphant. J'ai fait un brainstorming avec un collègue pour trouver un nom convenable de domaine encore disponible et qui sonne bien. « Elephbo » est le fruit d'un jeu de mots. »
« J'ai vu dans leurs yeux le symbole des dollars. » Nicolas Huxley
Tous les sacs et sacs à dos, pour lesquels on utilise du cuir naturel, sont travaillés en Bosnie. Pour ce faire, nous utilisons des chutes de cuir conformes aux normes du commerce équitable. « Au début, j'ai tout fait produire en Suisse afin d'assurer le contrôle qualité et suivre la production. Mais au vu des tarifs pratiqués en Suisse, Nicolas doit délocaliser la production en Europe de l'Est. Dans le cas contraire, il aurait dû vendre ses produits plus cher. Les sacs, par exemple, auraient coûté près de 800 francs. Mais c'était juste hors de question. L'étape de transformation en Europe est déterminante dans le choix du lieu, car il ne voulait pas de cuir en provenance d'Asie : « Je me soucie du contrôle de l'élevage des animaux ». C'est sur les conseils d'un ami qu'il découvre un petit atelier de textile en Bosnie.
Le jeune entrepreneur a déjà de nouveaux projets en tête dans d'autres pays en développement, pour certains desquels il a déjà effectué les premiers tests. Il s'est néanmoins vite rendu compte qu'un nouveau pays est comme une nouvelle entreprise. C'est pour ça que Nicolas a décidé de prendre son temps. Sans les partenaires adéquats sur place, ça ne marche pas. « Je voyais déjà dans les yeux de nombreux interlocuteurs le symbole du dollar. » Inenvisageable pour Nicolas, amateur du minimalisme et donc petit consommateur : « Non pas que le produit final ne signifie rien pour moi, bien au contraire. J'en suis même fier. Mais l'aspect social revêt selon moi une plus grande importance encore. Je veux aider les gens avec ça. »
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Quand je ne suis pas en train d'explorer les océans, je plonge avec bonheur dans l'univers de la mode. Toujours à l’affût des dernières tendances dans les rues de Paris, Milan et New York, je vous montrerai comment arborer ces habits de podium dans la vie de tous les jours.