En coulisse

Miquela : mais qui est là ?

Miquela Sousa n'existe pas. Miquela Sousa est chanteuse, influenceuse sur Insta et blogueuse YouTube, c'est une star virtuelle ayant signé dans une agence d'Hollywood. J'aimerais inviter les gens à se poser des questions sur les vedettes virtuelles et l'humanité.

Mais Miquela n'est pas réelle.

La « vie » de la superstar virtuelle

Miquela fait sa première apparition publique en 2016. À cette époque, elle poste des photos sur Instagram sans laisser de commentaires. Dans les années qui suivent, elle troque son statut de bizarrerie Internet contre celui de phénomène multimédia. Ce personnage traite ouvertement de sa virtualité, se qualifiant au passage de « robot en quête de changement ».

Miquela a collaboré avec Samsung et se décrit comme un membre de la #teamGalaxy, même si tous ses selfies devant la glace ont été pris avec un iPhone 11.

Jusqu'à présent, Miquela est un mélange d'animation et de capture de mouvement. Son interaction avec le monde réel – la bougie des magiciennes ou autre – recèle probablement une actrice dont la stature est très proche d'elle. Elle allume des bougies. Elle étreint les gens et attrape de vrais objets. Les animateurs de Brud prennent alors les images et remplacent l'actrice par Miquela.

D'autres parties de Miquela ne sont animées que par ordinateur. Elle tombe alors dans ce qu'on appelle la théorie de la « vallée dérangeante » ; pour un humain, elle se meut de façon correcte, mais semble quand même fausse, même si elle se plaint de son maquillage et de son front en sueur. Puis, d'un coup, elle se dit blessée par le tweet d'une personne racontant avoir « rencontré quelqu'un qui n'est pas vraiment réel ».

Miquela n'est pas le seul projet de Brod. Il y a aussi Bermuda et Blawko, un couple dont la séparation fut difficile, un drame numérique.

C'est précisément cette contradiction entre « je ne suis pas réelle » et « mon eye-liner a coulé, car j'ai beaucoup pleuré » qui est fascinante dans la vie numérique de Miquela.

Les stars numériques sont-elles l'avenir ?

L'animation par ordinateur fait énormément de progrès. Cependant, il reste un obstacle majeur à franchir : le temps de calcul nécessaire à l'animation. En effet, des éléments comme les cheveux ou la peau, mais surtout les détails des taches de rousseur ou des pores illustrent la complexité et prennent une éternité à simuler et à restituer.

Mais si une actrice réelle parvenait à simuler tout cela, où seul le visage devait être remplacé, alors on pourrait économiser une quantité extrêmement importante de temps et de puissance de calcul. On arriverait à accélérer la génération de contenu et améliorer sa qualité.

C'est ce qui s'est passé avec Miquela. On ne sait pas qui est l'actrice qui se cache derrière cette célébrité virtuelle. Selon une rumeur qui circulait l'an dernier, l'actrice incarnant Miquela est Emily Bador, pour sa troublante ressemblance avec elle.

C'est précisément l'attrait des stars virtuelles : on peut les dépêcher en un clin œil tout en gardant l'aspect qualité à vue. Un tournage de film ? Aucun problème ! Il suffit d'enfiler une combinaison avec marqueurs pour capturer les mouvements, la restitution du modèle virtuel de Miquela se fait pendant la nuit et la scène est prête le lendemain matin.

Miquela vous permet de tout faire.

Miquela ne tombe pas malade. Miquela ne vieillit pas. Miquela n'a pas besoin de pauses. Miquela rentre dans tous les vêtements et tous les costumes, elle peut réaliser n'importe quelle cascade impossible. Elle ne prend pas d'allures. Elle ne fait aucun caprice, ou peut-être juste ceux que les programmeurs veulent qu'elle fasse. Et elle les maîtrise à la perfection soit dit en passant.

Miquela est l'actrice parfaite en somme.

Le bon plan

Hollywood s'est déjà saisi de la question. Sorti en 2013, « Le Congrès » raconte comment l'actrice Robin Wright se voit proposer d'être scannée numériquement.

Il serait présomptueux de penser que les abus ne se produiront jamais. Quelque part, il y a probablement de la pornographie avec Miquela, si l'on en croit la Règle 34.

Cela devient plus difficile dans le cas décrit dans le film « Le Congrès ». Si une actrice réelle est numérisée et que du contenu sur son soi virtuel fait son apparition, on bafoue alors non seulement son droit d'auteur, mais aussi sa dignité d'être humain. On joue avec le feu ici.

Qu'est-ce que cela signifie au niveau de Miquela ?

Cette réflexion revêt une dimension intéressante. Si nous accordons à un modèle virtuel d'une personne réelle une dignité inaliénable, une question se pose alors : les stars virtuelles ont-elles une dignité ? Qui la définit ? Les auteurs de la vie de Miquela ?

Je n'ai malheureusement pas la réponse à ces questions. J'aimerais en proposer une en quelques lignes, mais cela semble impossible. C'est pourquoi je souhaite utiliser cet article comme un élément de réflexion. Pour vous, où se trouve la frontière ? Avez-vous une solution à proposer ?

Voilà, j'ai fini. Au fait, la sonnerie de Miquela, c'est le jingle de « Kim Possible ».

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Journaliste. Auteur. Hackers. Je suis un conteur d'histoires à la recherche de limites, de secrets et de tabous. Je documente le monde noir sur blanc. Non pas parce que je peux, mais parce que je ne peux pas m'en empêcher.


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