Urs Kiener : (il réfléchit) Contrairement non seulement au XVIIIe siècle, mais aussi à la génération des parents et grands-parents actuels, la consommation est aujourd'hui disponible 24 heures sur 24 et constitue une activité de loisirs pour de nombreux enfants. Sans argent, un enfant, même en âge préscolaire, est rapidement exclu de la vie sociale. A cela s'ajoute le fait que le monde de la consommation est aujourd'hui beaucoup plus complexe. J'ai grandi dans l'Oberland bernois. A l'époque, le magasin du village proposait trois sortes de chocolat - dans un grand supermarché zurichois, j'en ai récemment trouvé 136. Initier les enfants à cette complexité est beaucoup plus coûteux et exigeant pour les parents qu'il y a quelques décennies.
Beaucoup de choses découlent des questions des enfants eux-mêmes. Par exemple, si votre fils vous demande pourquoi vous allez travailler, vous pouvez lui expliquer que vous recevez de l'argent pour vos articles journalistiques, avec lequel vous payez ensuite le loyer et achetez de la nourriture. Le fait que le flux d'argent soit aujourd'hui majoritairement invisible rend toutefois la compréhension un peu plus difficile. Les enfants observent comment nous tendons un morceau de plastique au vendeur à la caisse et comment tout ce qui se trouvait dans le caddie nous appartient ensuite. Ou bien ils voient que nous insérons la même carte dans une fente sur un mur et que des billets en sortent.
Au contraire. Il est important de donner aux enfants la possibilité de prendre des responsabilités le plus tôt possible. Pour un enfant de trois ans, cela signifie par exemple qu'il doit apprendre à attendre. Prenons un classique : les friandises à la caisse du supermarché. Si, contrairement à leur intention, les parents achètent un bâtonnet de chocolat à l'enfant juste pour qu'il arrête de se rouler par terre, ils le privent d'une occasion d'apprendre à gérer l'abondance des possibilités de consommation. Aujourd'hui, la capacité à différer ses besoins fait défaut non seulement aux enfants, mais aussi à de nombreux adultes. En Suisse, quatre jeunes de 18 ans sur dix ont des dettes. Bien sûr, il s'agit souvent de petits montants, mais le fait qu'une personne soit endettée à un moment où elle doit prendre des décisions coûteuses dans sa vie, comme quitter la maison ou fonder une famille, m'inquiète.
Les enfants d'aujourd'hui peuvent-ils encore apprécier les objets qui ont fait le bonheur de leurs parents, comme une nouvelle palette de crayons de couleur ou une veste de ski tant attendue ?D'une manière générale, les cadeaux n'ont plus la même valeur qu'auparavant. Ce qui n'est pas disponible est généralement acheté immédiatement. Les vêtements, en particulier, qui constituaient autrefois une partie centrale des cadeaux de Noël et d'anniversaire, ne sont plus considérés aujourd'hui comme des cadeaux, mais comme des achats nécessaires. Vous n'imaginez pas le nombre de familles frustrées qui consultent les services de conseil de Pro Juventute après Noël. La fille raconte alors, bouleversée, qu'elle n'a rien reçu à Noël. Le père, lui, dit qu'il a dépensé tout son 13e salaire en cadeaux.Malgré l'abondance, de nombreux parents veulent apprendre à leurs enfants qu'il faut parfois attendre pour recevoir un cadeau. Mais ce n'est pas si simple lorsque la progéniture reçoit aussi régulièrement des cadeaux de ses grands-parents et de ses connaissances. D'un autre côté, il est compréhensible que ces derniers veuillent faire plaisir à leurs petits-enfants et filleuls en cours d'année, surtout s'ils ne les voient qu'irrégulièrement.On a parfois le droit d'avoir de la chance, même quand on est enfant, dis-je toujours. Les grands-parents, en particulier, aiment gâter leurs petits-enfants et doivent pouvoir le faire. On peut discuter à l'infini du fait de gâter ses enfants. Mais je pense que cela ne fait que nuire aux enfants en les rendant dépendants et peu autonomes. En d'autres termes, lorsqu'un adulte assume pour les enfants des tâches qu'ils pourraient entreprendre eux-mêmes ou résout des problèmes qu'ils seraient capables de surmonter. Toutefois, il est important que les parents soient informés de ce que leurs enfants reçoivent, en particulier lorsqu'il s'agit de cadeaux en espèces. Si vous recevez 100 francs de la part de votre grand-mère, c'est une bonne occasion de discuter avec votre fils du fait que, contrairement à l'argent de poche, il ne faut pas simplement les dépenser, mais qu'ils pourraient être économisés pour le smartphone tant désiré.En conclusion : Comment apprendre à nos enfants que la consommation et les valeurs matérielles ne sont pas tout ?La meilleure chose que les parents puissent faire est de laisser les enfants jouer librement. Aujourd'hui, les filles et les garçons passent en moyenne à peine une demi-heure par jour à l'extérieur, et ils sont rarement laissés sans surveillance. Il y a quelques décennies, c'était deux ou trois heures. Et si on laissait les enfants décider eux-mêmes, ce serait bien plus. Aucun "Megazord Dino Super Charge" ne peut être comparé au jeu libre.
