En coulisse

Dans le train entre Bâle et Zurich

Patrick Bardelli
21/9/2018
Traduction: Stéphanie Casada

Il est 6h47, le train part. J’ai réussi à me dégoter une place côté fenêtre. Je suis en train de parcourir mes mails quand la porte coulissante s'ouvre bruyamment et qu'une personne stressée se précipite à l’intérieur du wagon pour le traverser. Elle se fraye un chemin dans l’allée centrale, suivie d’une de ces petites valises à roulettes qui fait un boucan d’enfer.

Puis la personne stressée avec sa valisette se laisse tomber sur le siège en face de moi, non sans piétiner mes baskets toutes neuves. Merci. Est-ce qu'elle s'excuse? Certainement pas. A-t-elle demandé si la place en face de moi était libre? Pensez-vous. Un petit «bonjour»? Continuez de rêver.

Je compte jusqu’à trois – pendant ce temps, j'exécute des mouvements d'arts martiaux devant mon troisième œil – et je me reconcentre sur mes mails. Il y a au moins un «je-débarque-à-la-dernière-minute-et-jebouscule-tout-le-monde» par wagon, tout comme un «je-suis-si-important-que-je-doistoujours-montrer-à-tout-le-monde-que-jesuis-au-téléphone». Mais les différents types de pendulaires sont un sujet à part.

Se retirer malgré soi

Dans mon cas, dans le travail. Vérifier les mails, confirmer les réunions, lire les protocoles, ce genre de choses. Mais on pourrait aussi le décrire avec les trois singes: ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire. Tout ce dont j'ai besoin, c'est de mon ordinateur portable, mon smartphone et mes écouteurs. L'équipement est soigneusement rangé dans un sac à dos. Prêt pour l'isolement total. Je l'ai optimisé au cours des derniers mois et maintenant, je sors en grande partie indemne de la bataille quotidienne des pendulaires. Démarrer le notebook, mettre les écouteurs et la musique – ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire.

J’ai cependant récemment remarqué un changement. Je monte de plus en plus souvent à la dernière minute dans le train. Après tout, qui veut perdre du temps en étant déjà assis quelques minutes avant le départ? Je suis aussi toujours plus stressé et de mauvaise humeur. Je suis un pendulaire, donc j’estime avoir le droit de ne parfois pas être au meilleur de ma forme. De plus en plus souvent, je m'assois en face de quelqu’un sans dire un mot et je commence à travailler. C’est vrai, je ne suis pas ici pour me faire des amis.

Voir de l’avant

C’est dommage, parce que nous sommes tous dans le même bateau ou plutôt dans le même train. Pourquoi ne demanderais-je pas enfin au barbu trois sièges derrière moi comment il fait pour avoir une si belle barbe? Après tout, cela fait déjà six mois que nous prenons le train ensemble pour Zurich tous les matins et ça fait longtemps que je me pose la question. Ou demander à la femme assise en diagonale de moi l'intrigue du livre qu’elle lit tous les matins? Et pourquoi ne pas dire au grincheux assis en face que sa chemise lui va vraiment bien? Qui sait, peut-être qu’un bref sourire se dessinera sur ses lèvres…

L’attaque au lieu de la défense. Regarder, parler, écouter. Je serai peut-être surpris par des rencontres positives. Si ça se trouve, je suis entouré d'amis, et non d'ennemis. Demain à 6h47, j'essaierai. Peut-être avec un livre au titre provocateur, un jeu de société ou encore une simple invitation à prendre un café.

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Ancien journaliste radio devenu fan de story telling. Coureur confirmé, adepte du gravel bike et débutant en haltères de toutes tailles. Quelle sera ma prochaine étape ?

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