

« Enfin, Kevin, tu pourrais faire un effort avec tes caleçons »

La start-up bernoise Flizzer est synonyme de sous-vêtements confortables et durables. Le fondateur Kevin Bucher révèle le secret de ses caleçons et pourquoi ils permettent de réduire les moments embarrassants.
Il aurait dû passer une nuit romantique, mais Kevin Bucher a mis les deux pieds dans le plat. Sans y réfléchir, il met un boxer délavé et troué avant son rendez-vous galant. En voyant le tue-l'amour, sa copine lui dit : « Enfin, Kevin, tu pourrais faire un effort avec tes caleçons ». Les désirs de sa dulcinée sont des ordres et Kevin, alors âgé de 42 ans parcours le centre-ville de Berne, mais revient bredouille. Comme rien ne lui plaît et que beaucoup de modèles ne sont pas confortables, il pose les bases de son label de sous-vêtements « Flizzer » en 2015.
Kevin, es-tu toujours aussi difficile à satisfaire ?
Kevin Bucher : non (rires). Jusque-là, j'avais acheté mes boxers chez H&M en multipacks et je ne me suis jamais inquiété de leur état. Jusqu'à ce que ma petite amie de l'époque me fasse la remarque. Pour savoir ce qu'était un « sous-vêtement digne de ce nom », je suis allé dans tous les magasins, mais n'ai rien trouvé. Même le personnel expérimenté n'a pas pu m'expliquer la différence entre les différents modèles et l'avantage de certains matériaux comme le modal, le coton, etc. Ce détail m'a dérangé. C'est pourquoi il m'a fallu trouver une solution ; Flizzer.
Fonder un label n'est pas une entreprise facile : as-tu de l'expérience dans l'industrie textile ?
Non. Certes, je m'intéresse à la mode et à la façon dont elle est fabriquée, mais je n'avais aucune connaissance préalable qui aurait pu m'aider.

Qu'as-tu fait comme études à la base ?
Dessinateur technique ou ingénieur en génie mécanique pour être exact. Mais comme ce travail ne me satisfaisait pas, je suis passé au développement de produits, puis à la gestion des innovations à la Poste suisse. Par conséquent, au début de Flizzer, je n'avais pas de réseau.
Comment as-tu résolu ce problème ?
J'ai visité l'ambassade de Turquie à Berne, qui a des liens avec l'industrie textile en Turquie. La responsable des achats chez Schiesser m'a également aidé. À l'origine, je voulais développer un produit 100 % suisse.
Pourquoi cette idée a-t-elle échoué ?
J'ai contacté de nombreux ateliers de couture et je me suis vite rendu compte que cet objectif n'était pas réaliste. Si j'étais allé jusqu'au bout, je me serais retrouvé avec Flizzer dans la même gamme de prix que les sous-vêtements Zimmerli, soit environ 100 à 120 francs pièce. Un bon compromis consiste à se rendre dans un pays étranger proche afin que minimiser le transport. Après environ un an de recherche, je suis tombé sur un producteur approprié dans le Baden-Württemberg : la société Comazo est l'un des principaux acheteurs allemands de coton équitable.

Pourquoi la durabilité est-elle importante à tes yeux ?
Les hommes ne jettent pas un sous-vêtement simplement parce qu'il est délavé ou troué. Comme « personne » ne les voit, ce n'est pas grave. C'est aussi la raison pour laquelle tout le monde dépense plus d'argent pour une veste, des chaussures ou un pull. Cependant, il s'agit d'une approche totalement erronée. Comme le boxer repose directement sur la peau, les toxines et les métaux lourds toxiques sont absolument à éviter. C'est pourquoi j'ai voulu produire des sous-vêtements durables et sans produits chimiques qui soient stylés.
Comment s'est déroulée la coopération avec le producteur allemand ?
Après un entretien personnel, nous avons commencé à développer le modèle. Le premier prototype a été créé en septembre 2017. Ensuite, j'ai envoyé mes demandes de retouches et de corrections au niveau de la coupe, que j'ai directement dessinées sur le boxer. Cinq cycles ont été nécessaires.
Et comment as-tu financé ton rêve ?
J'ai d'abord fondé une société anonyme et investi 20 000 CHF. Je me suis vite rendu compte que cet argent n'était pas suffisant et j'ai payé 10 000 CHF de plus. Avec un collègue, j'ai créé un site et ai tout mis en ligne. Le tout a généré quelques ventes, mais sans plus. Après la parution d'un article sur Flizzer dans un quotidien suisse, les ventes ont connu une brève hausse, avant de retomber. Comme c'est souvent le cas pour une start-up. Il n'y a pas eu de progrès et le chiffre d'affaires a plus ou moins stagné à 50 000 CHF. Ce qui était loin de couvrir tous les efforts que j'avais mis dans ce projet.

Est-ce la raison de ton apparition à la télévision dans l'émission Die Höhle der Löwen Schweiz ?
En 2019, une lointaine connaissance m'a demandé si je voulais participer. J'ai hésité un moment, car mon produit n'est pas vraiment innovant. Flizzer est « seulement » un sous-vêtement durable et de qualité. Pour moi, il s'agit plutôt d'une marque et de son positionnement. Finalement, j'ai accepté et j'ai effectivement reçu un investissement. Chaque fois que l'émission est rediffusée, les affaires augmentent.
Peux-tu vivre de Flizzer ?
Non, je travaille toujours pour la Poste suisse. Mais j'ai réduit mon taux d'occupation à 80 %. Les 20 % restants, en vrai c'est un peu plus (rires), je travaille pour ma marque. Grâce à l'apport financier de la télévision, je renforce la présence de la marque en Suisse : deux employés m'aident pour le marketing.
Qu'est-ce qui distingue ton boxer de ceux de la concurrence ?
Ils sont comme une seconde peau grâce à leur finition sans couture, d'où le nom Flizzer. En même temps, la longueur de la jambe fait en sorte que tout reste en place. L'élastique n'est pas trop rigide et ne se repliera pas sur lui-même si vous avez un peu de ventre. Le tissu principal est un single jersey composé à 90 % de coton biologique et à 10 % d'élasthanne, qui est fait à partir d'un matériau high-tech recyclé.

Est-ce que les boxers sont certifiés ?
Oui, j'y attache beaucoup d'importance : Fairtrade, Global Organic Textile Standard (GOTS), OekoTex et Business Social Compliance Initiative (BSCI). À l'avenir, je souhaite encore aller un peu plus loin. Mon objectif est d'avoir un produit entièrement recyclable. Mais suite à la COVID et aux longs délais de livraison, ce projet doit être mis en pause pour l'instant. Au moins, cet objectif est déjà atteint au niveau de l'emballage. Maintenant, je travaille avec une imprimerie dans l'Emmental. Elle est l'une des deux imprimantes en Europe à proposer du papier et du carton recyclables certifiés cradle-to-cradle. Cependant, je continue à faire face à des vents contraires.
Comment ça ?
Le papier Cradle to Cradle est blanc, ce qui irrite ma clientèle. Elle se plaint que le boxer est durable, mais pas l'emballage. C'est pourquoi je fais imprimer les emballages certifiés et recyclables avec de l'encre biodégradable afin qu'ils soient non seulement durables, mais qu'ils aient aussi l'air durables.

Quels sont tes projets futurs ?
Une ligne de caleçons qui sera lancée à la fin de l'année. Ces derniers seront fabriqués à partir d'une maille. C'est pourquoi ils ne sont pas aussi rigides que les caleçons classiques, qui sont généralement tissés.
Les femmes vont-elles devoir repartir bredouilles ?
Non, au contraire. Comme 50 % de la clientèle est féminine et qu'il existe une demande pour des sous-vêtements féminins durables, je travaille actuellement sur une ligne pour femmes. Je suis soutenu par une experte qui a 20 ans d'expérience professionnelle avec des marques comme Beldona et Calida à son actif. Pour cette collection, nous avons mis au point un nouveau tissu fin, qui ne se voit pas sous les vêtements et qui est confortable. La gamme se compose de différents modèles et couleurs.

Est-ce que des soutiens-gorge à armature sont aussi prévus ?
Non, nous avons cependant en stock des brassières. Il y a trois semaines, j'ai lu un article passionnant dans le journal Sonntagszeitung. Il s'agissait de l'évolution du soutien-gorge. Personne ne sait pourquoi il y a les soutiens-gorge à armature existent. Il n'y a aucune explication logique. En dehors de cela, il est en déclin depuis la COVID et le télétravail.
Une dernière question : comment encourages-tu les hommes à acheter des sous-vêtements de qualité ?
Par la communication et une communication osée. Flizzer célèbre également sa communauté et appelle à des événements communs, entre autres sur Instagram. Comme demain, par exemple : nous nous retrouvons pour le premier « Aare-Flizzen » à la piscine Marzili. Ce serait bien si 100 personnes venaient avec un boxer Flizzer. Le développement de la communauté me tient à cœur. Ensuite, après avoir porté les boxers pour la première fois, vous ne pourrez plus vous en passer.

Entre pairs
Début septembre, un jour après l'interview, le rassemblement susmentionné a eu lieu sous le soleil, avec une température ambiante de 26°C. Le photographe Thomas Kunz a capturé la première édition du « Aare-Flizzen » sur place. L'atmosphère festive n'a pas été troublée par le fait que seule une poignée de personnes se sont présentées au lieu de la centaine souhaitée ; bien au contraire. Les « Flizzer » se sont amusés et ont attiré tous les regards sur eux dans leur tenue légère ; la meilleure publicité qui soit. Et la preuve vivante que les sous-vêtements sont tout sauf des tue-l'amour.

Voir tout l'assortiment de la marque Flizzer.


Quand je ne suis pas en train d'explorer les océans, je plonge avec bonheur dans l'univers de la mode. Toujours à l’affût des dernières tendances dans les rues de Paris, Milan et New York, je vous montrerai comment arborer ces habits de podium dans la vie de tous les jours.