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Mots à la mode : Blokecore est la dernière symbiose entre le sport et la mode
par Laura Scholz
Vague rétro au lieu de la Ola : les maillots des clubs de football des années 80 ou 90 sont depuis peu des best-sellers. Ce retour en grâce du vintage fait aussi le bonheur des finances des clubs..
Savez-vous quelle entreprise a fait de la publicité sur les maillots du FC Saint-Gall en 1978 ? Non ? Eh bien, je vais vous le dire : il s’agissait de Ernst Teigwaren. Jusque dans les années 70, une telle chose était impensable. Les fédérations et les clubs s’accordaient à dire que la publicité nuirait à la « nature amateur et communautaire du jeu ». Il a fallu un changement de mentalité pour que les entreprises puissent imprimer leur logo sur le devant des maillots. Le sponsoring sportif est devenu un nouveau domaine du marketing et, au début, ce sont souvent des entreprises locales, plutôt que des multinationales, qui ont soutenu « leur » club de foot.
Aujourd’hui, le football est une activité qui brasse des milliards. Clubs, joueurs, conseillers, médias et sponsors : tout le monde cherche à gagner beaucoup d’argent. Les fans sont une bonne source de revenus. Les garçons portent des maillots de Messi, Ronaldo, Yamal ou Mbappé. Au stade, leurs pères portent le maillot de la saison en cours de leur club préféré, souvent avec leur propre prénom au-dessus du numéro. Et du côté des fans femmes ? Elles aussi ont désormais découvert les maillots de foot, qu’elles portent comme des vêtements stylés, pour changer des chemisiers ou des t-shirts de créateurs, ou encore, comme le Venezia FC, elles ont fusionné les deux. Le foot rencontre la mode, en quelque sorte.
Cette tendance a même un nom : blokecore. Sous le hashtag correspondant, on trouve sur les réseaux sociaux des centaines de milliers de photos de femmes vêtues de maillots des années 90. Laura, notre collègue rédactrice et experte en mode, a écrit un article à ce sujet.
Quand elles portent des maillots vintage, les femmes soucieuses de la mode les rentrent dans un pantalon ou une jupe de façon plutôt lâche. Elles portent ce qui matche avec les couleurs du moment, le choix est donc vaste. Aujourd’hui, c’est le bleu et noir de l’Inter, demain, ce sera plutôt le noir et rouge du Milan AC... Dans la mode, tout est permis, ce qui est un sacrilège pour les fans.
Les géants des articles de sport ont eux aussi pris le train rétro en marche depuis longtemps. Adidas, Nike & Cie ne présentent plus le rétro comme une simple nostalgie pour les fans, mais comme une véritable stratégie commerciale. Pour la saison 2023/24, Adidas a envoyé plusieurs clubs de haut niveau en Ligue des champions avec des maillots spéciaux d’inspiration rétro. Le Bayern, Arsenal, la Juve, Manchester United et le Real Madrid ont joué avec des maillots arborant l’ancien logo Trèfle et les écussons classiques des clubs, commercialisés comme une « véritable déclaration de mode ».
Et effectivement, les collections ont rencontré un franc succès. Les survêtements et les t-shirts au look des années 90 se sont vendus comme des petits pains pendant l’Euro 2024. Le PDG d’Adidas, Bjørn Gulden, a même parlé (lien en allemand) des « premiers fruits » de cette stratégie sur le plan financier. Le trimestre a enregistré une augmentation de 11 % du chiffre d’affaires et les prévisions annuelles ont été revues à la hausse.
Nike a également misé sur des références rétro : la saison dernière, Liverpool portait un maillot domicile qui rappelait fortement le design de 1984, année où le club a remporté la Coupe des clubs champions européens. Pour son 125e anniversaire, Milan a même montré à quel point la nostalgie pouvait vraiment être mise en scène : en collaboration avec Puma, New Era, Off-White et même les New York Yankees, plusieurs collections lifestyle ont vu le jour. Les joueurs en ont même porté certaines lors de matchs officiels.
Rétro comme déclaration d’anniversaire, au milieu de la compétition.
Les grands clubs ne sont pas les seuls à surfer sur la vague de la nostalgie. Au printemps, l’équipe nationale allemande a disputé deux matchs internationaux en maillots rétro, qu’elle porte encore lors des qualifications pour la Coupe du monde. L’occasion était le 125e anniversaire de la fédération allemande de football. La marque Adidas a mis les petits plats dans les grands en matière de marketing, avec notamment un spot publicitaire sophistiqué.
Même un club comme le 1. FC Nuremberg, autrefois glorieux, aujourd’hui relégué en deuxième division, mise sur le rétro. Un maillot anniversaire pour les 125 ans du club a fait planter les serveurs de la boutique en ligne. Le FC Augsbourg mise sur le pseudo-rétro-chic et vend un « maillot romain ». Le club de Super League FC St. Gallen propose des maillots rétro de différentes époques, certains avec le sponsor Fido sur la poitrine, d’autres avec Ernst Teigwaren, comme il y a près de 50 ans.
Copa Football FC St. Gallen 1978 - 80 Maillot rétro | FC St. Gallen 1978 - 80 Maillot vintage
Ce sont peut-être en partie les inscriptions d’entreprises disparues depuis longtemps qui font le charme des maillots rétro. Faire de la publicité pour de la nourriture pour chiens avec « Fido » sur la poitrine, pourquoi pas ? Ou que diriez-vous de « Commodore » sur les vêtements de travail du FC Bayern dans les années 80, ou de « Buitoni » et du SSC Naples à l’époque de Maradona ? Tout n’était-il pas mieux avant ? Sur les maillots actuels, ce sont des compagnies aériennes des émirats arabes autocratiques ou des groupes technologiques mondiaux qui font leur publicité. Tout le monde ne s’identifie pas forcément à cela.
Quiconque souhaite reproduire un ancien maillot doit d’abord passer par l’enfer des droits. Les logos, les blasons et les couleurs des clubs appartiennent aux clubs, et non aux fabricants nostalgiques. C’est pourquoi des marques telles que Copa Football obtiennent des licences officielles. Si possible, elles obtiennent également celles du sponsor officiel du maillot. Par exemple « Buitoni » ou « Motta » dans le cas de Naples ou de Milan. Cela leur permet d’utiliser les designs historiques, en échange de quoi l’argent revient aux clubs et à leurs sponsors.
C’est ainsi que sont créés des maillots rétro officiellement approuvés. Il ne s’agit pas de copies illégales, mais de produits dérivés autorisés. Copa est par exemple le partenaire rétro officiel du FC Barcelone, du Milan AC, du Bayern Munich et de la Juventus Turin. Pour les fans, cela signifie qu’ils peuvent porter un morceau de l’histoire du club sans se trouver dans une zone grise.
La question de savoir qui peut tirer profit de la tendance rétro est très intéressante. Bien sûr, les grandes marques telles qu’Adidas, Nike ou Puma détiennent les droits sur les maillots actuels et paient pour cela des sommes record se chiffrant en milliards (page en anglais), mais la tendance rétro n’est pas automatiquement incluse dans ces contrats. Ces dernières années, certains clubs ont délibérément lancé leurs propres collections sur le marché, sans faire appel à leur fournisseur officiel (page en allemand). Plus de marge pour le club, moins pour Adidas & Cie.
Mais cela n’est pas sans risque. Les logos et les marques, comme les célèbres trois bandes, appartiennent en effet aux fabricants. Quiconque les utilise sans autorisation risque de se retrouver rapidement devant les tribunaux. C’est pourquoi de nombreux maillots rétro ne portent pas les logos originaux des fabricants. Le légendaire maillot du Bayern des années 80 est disponible chez Copa avec l’écusson du club et le logo du sponsor, mais sans le logo Adidas. Rétro, oui. Mais juridiquement irréprochable.
Il existe également des revendeurs spécialisés qui proposent des articles originaux. Il s’agit donc de maillots qui ont réellement été fabriqués il y a de nombreuses années, voire plusieurs décennies. Leon Rademaker est le fondateur et l’exploitant de la boutique en ligne « Trikotstoff ». On n’y trouve pas de maillots qui imitent simplement les anciens originaux, mais le « vrai tissu ».
Leon explique que personne ne doit s’inquiéter de l’état du tissu de ces maillots vintage après toutes ces années. La qualité n’était pas moins bonne à l’époque qu’aujourd’hui. Les signes d’usure concernent parfois les flocages, c’est-à-dire les noms des joueurs ou les logos des sponsors apposés sur le tissu. Dans un entretien avec Galaxus, Leon donne le conseil suivant :
Si l’on traite les maillots normalement et qu’on les lave avec précaution, même ceux qui ont plus de 20 ans peuvent encore être en très bon état.
Fort de ses nombreuses années d’expérience, Leon sait parfaitement quels maillots sont particulièrement recherchés et à quel moment. Certains événements, comme le Championnat d’Europe 2024, ont une influence notable. « À l’époque, les maillots des équipes nationales allemande, autrichienne ou suisse m’ont littéralement été arrachés des mains », se souvient le commerçant. La montée en puissance d’un club traditionnel comme le HSV entraîne également une hausse de la demande.
D’où viennent ces maillots ? Leon les achète à des particuliers qui, par exemple, se débarrassent d’anciennes collections. Lors de la vente, son objectif n’est pas de maximiser ses profits, a déclaré Rademaker dans une interview accordée au magazine « Kicker ». « Je trouve que ce n’est pas correct », explique ce fan de foot. C’est pourquoi ses anciens maillots coûtent généralement bien moins de 100 euros, soit moins que ce que les grands clubs demandent à leurs fans pour les modèles actuels. Contrairement aux entreprises et aux clubs, il ne devrait pas devenir vraiment riche avec ce marché, il s’agit plutôt d’un service rendu par un fan à d’autres fans.
Le boom rétro montre à quel point la nostalgie peut être à double tranchant. Pour Adidas, Nike ou les grands clubs, c’est une activité qui rapporte des milliards, dans laquelle les maillots rétro génèrent des pics de ventes et des contrats records. Pour les petits commerçants comme Leon Rademaker, en revanche, cela reste un projet passion. Le service aux fans prime sur la maximisation des profits.
C’est peut-être justement ce qui fait le charme des anciens maillots. Qu’il s’agisse d’« Ernst Teigwaren » au FC Saint-Gall, de « Fido » pour les aliments pour chiens ou de « Commodore » au FC Bayern, ils rappellent une époque où le foot n’était pas encore complètement commercialisé. « Avec Buitoni, on remporte des titres », disait-on à l’époque. Aujourd’hui, on dirait plutôt : « Avec Qatar Airways, on conquiert des marchés. »
Cela semble moins romantique, mais ça se vend quand même.
Et vous, à quelle occasion portez-vous le maillot de votre club préféré ? Dites-le-nous en commentaires !
Je suis journaliste depuis 1997. Stationné en Franconie, au bord du lac de Constance, à Obwald, Nidwald et Zurich. Père de famille depuis 2014. Expert en organisation rédactionnelle et motivation. Les thèmes abordés ? La durabilité, les outils de télétravail, les belles choses pour la maison, les jouets créatifs et les articles de sport.
Des informations intéressantes sur le monde des produits, un aperçu des coulisses des fabricants et des portraits de personnalités intéressantes.
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