Ai-je le droit de faire mon âge ?
25/4/2025
Traduction: Martin Grande
Au salon international du fitness FIBO, la performance sportive n’est plus seule au centre des conversations. On y parle d’optimisation du corps sous toutes ses coutures, d’astuces biologiques et de longévité. Ce n’est pas un problème de vieillir, mais c’en est apparemment un d’avoir l’air vieux.
Je suis sûre que l’intention était bonne, mais... à moins de 200 mètres de l’entrée du plus grand salon du fitness au monde, le FIBO de Cologne, une jeune femme m’a abordée. « Oh, je n’ai qu’un seul échantillon de crème pour les mains, mais attendez un peu, je vais chercher quelque chose pour vos rides », m’a-t-elle dit d’un ton mielleux. « Ce n’est pas nécessaire, je n’en ai pas besoin », ai-je rétorqué. « Mais pour le contour des yeux ? » a-t-elle continué sans se démonter. J’ai levé les sourcils en guise de réponse, bien consciente que les expressions prononcées me font paraître encore plus ridée.
Les rides et ridules ont leurs raisons d’être. Elles témoignent des moments d’amusement, d’effort et aussi de frustration et d’ennuis que j’ai vécus au cours des dernières décennies. Elles sont un peu comme des souvenirs. Je ne veux pas les perdre.
Pendant ma visite, j’ai été confrontée à deux autres interactions de ce genre. L’anti-âge et l’auto-optimisation semblent avoir été placés tout en haut de l’agenda des tendances du salon.
Les shakes protéinés, le café au collagène et l’électrostimulation accompagnent les stands de musculation. Grâce aux suppléments et au jeûne intermittent, le métabolisme doit fonctionner comme une machine à haute performance. Pour la longévité, on vous propose des bains de glace, des masques à oxygène, des poudres et des pilules, l’objectif général étant de vieillir sans avoir l’air vieux.
Le jeu de la peur et de la honte
Afin d’atteindre cet objectif, les crèmes raffermissantes et les masques de lumière rouge censés stimuler la production de collagène sont disponibles. Un test génétique détermine même mon âge biologique (je l’ai fait et je vais bientôt écrire à ce sujet).
Mon âge chronologique n’est ni un mérite ni une honte, il est la conséquence logique du fait que je suis née à un moment donné. Globalement, je ne me plains pas de mon apparence, et puis je ne me vois que les jours où je me regarde dans le miroir. J’y vois le physique vieillissant parfaitement imparfait que j’impose à mon entourage. Pourquoi donc m’aborde-t-on à la sauvette alors que je suis en chemin pour un rendez-vous ?
« Nous vendons l’idée que nous sommes tous contre le vieillissement parce que nous devrions en avoir peur, et mieux encore, le combattre », commente Laura Hurd, sociologue et professeure à l’université de Colombie-Britannique à Vancouver, à propos de ce phénomène dans le magazine National Geographic (en anglais).
Selon Laura Hurd, cette peur a des conséquences réelles pour les personnes âgées, allant de l’âgisme de circonstance à des pratiques institutionnelles et sociales qui excluent et mettent en danger les femmes en particulier. Les plus jeunes sont également touchés. Avez-vous déjà entendu parler du terme Sephora Kids (lien en anglais) ?
L’invisibilité est-elle synonyme d’indésirabilité ?
Le magazine allemand Vogue (site en allemand) traite également de ce sujet dans son numéro de mai. « Qu’est-ce que cela va faire de rencontrer des personnes dont l’apparence ne donne aucune indication sur leur expérience de vie, qui pourraient avoir 30 ou 50 ans ? Qu’est-ce que cela signifie pour les relations interpersonnelles ? », s’interroge-t-elle d’un ton expert.
Ne vous méprenez pas, tout le monde a le droit d’utiliser des crèmes et des produits pour paraître plus jeune, plus vieux, plus beau, plus intéressant ou autre. Ce ne sont pas mes affaires. J’aime aussi utiliser des crèmes qui rendent ma peau plus douce et plus saine, il n’y a rien de mal à cela.
Source : Shutterstock
Cela me froisse que l’on m’aborde à un salon sans me demander mon avis, en présupposant que quelque chose cloche avec ma peau, et par extension, avec moi.
Avoir l’air jeune ne semble plus être un idéal. C’est devenu la norme. Visiblement, les personnes qui ne remplissent pas ces critères doivent absolument faire quelque chose pour y remédier. On arrive à un point où Vogue (site en anglais) parle d’un phénomène potentiel de « beauty burnout ». La pression d’une apparence jeune et impeccable est plus grande que les coûts financiers et émotionnels du culte de la jeunesse, résume-t-elle.
Les stéréotypes liés à l’âge nuisent à tout le monde
Ça me dérange. Un salon consacré au sport devrait se concentrer sur le fitness, la musculation et le mouvement. Des composantes essentielles à toute phase de la vie. Que l’on ait 20, 60 ou 95 ans, nous devrions toutes et tous être bien accueillis à un salon du fitness. Si nous devons cacher notre âge et si seuls les êtres exceptionnels qui à 65 ans ont encore l’air d’en avoir 35 sont les bienvenus, il y a clairement un truc qui ne tourne pas rond.
Je ne suis pas la seule à le dire. Dr Becca Levy (sous-titres générés automatiquement disponibles dans la vidéo), professeur à la Yale School of Public Health, a montré dans ses recherches que les personnes de plus de 50 ans qui ont une perception positive de leur vieillissement vivent 7 ans et demi de plus que celles qui ont intériorisé des stéréotypes négatifs.
En outre, les personnes exposées à des conceptions positives de l’âge jouissaient d’une meilleure mémoire et d’un meilleur équilibre. En revanche, les personnes qui écoutaient les stéréotypes négatifs sur l’âge (lien en anglais) avaient plus d’anxiété, de dépression, une tension artérielle plus élevée et de moins bonnes performances aux tests cognitifs. Si vous souhaitez approfondir le sujet, son livre pourrait vous intéresser :
Que faire ? Il appartient finalement à chacun et chacune de faire son choix. En ce qui me concerne, je reste active, curieuse et ouverte, et j’incarne la preuve vivante que les clichés sur le vieillissement et l’apparence des personnes âgées ne sont pas la dernière des vérités.
Je continuerai à me rendre à des salons de fitness et à des événements sportifs avec plaisir, en toute confiance, avec mon visage et mon corps vieillissants, car j’aime essayer de nouveaux sports comme le pump foil ou courir par monts et par vaux, sans trop penser à mon apparence.
Peut-être que vos intérêts à vous résident autre part. Lire, peindre, regarder des films, la réponse est en vous. Pour moi, le sport est l’activité par excellence pour me sentir vivante, autonome et bien dans ma peau. Si vous êtes dans le même cas et parce que les femmes sont traditionnellement moins représentées dans les sports d’aventure, voici une autre suggestion de livre (en anglais) pour vous inspirer :
Photo d’en-tête : Shutterstock
Siri Schubert
Senior Editor
Siri.Schubert@digitecgalaxus.chPlongeuse scientifique, instructrice de SUP, guide de montagne... même si les lacs, les rivières et les mers sont mes terrains de jeu favoris, je ne me laisse pas porter par le courant, car j'ai encore beaucoup à apprendre et à découvrir. J'aime aussi prendre de la hauteur et changer de perspective en volant avec des drones et en faisant du trail.
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